Deux jours à Bucarest

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Samedi 21 février

Bucarest. « La plus belle des villes moches », pour reprendre l’expression de Gareth. Cité martyre de la folie de Ceaucescu, elle a toutefois conservé quelques pépites, pour qui sait les repérer. A la fin du 19e siècle, la culture française rayonne sur le monde. Bucarest en veut sa part : les enfants apprennent le français, les élégantes s’habillent à la dernière mode parisienne et les aristocrates et autorités font venir en nombre des architectes français pour construire, ici un hôtel particulier, ça un bâtiment public, là une banque. La ville est alors surnommée « le petit Paris », qualificatif qu’elle gardera jusqu’à la seconde guerre mondiale.

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L’arrivée des communistes au pouvoir va changer la donne. L’érection de « cités radieuses », immondes barres HLM dont les soviétiques avaient le secret, enferme la vieille ville dans un piège de béton.

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OLYMPUS DIGITAL CAMERAEn 1977, un séisme endommage fortement la ville. Ceaucescu, qui entre temps a visité la Chine et la Corée du Nord et perdu les pédales, profite de l’occasion pour lancer une politique de grands travaux. L’équivalent de trois arrondissements parisiens est rasé, incluant des églises, des synagogues ou des monastères. La vielle ville disparaît pour laisser place à de larges avenues, des immeubles à l’architecture plus ou moins heureuse destinés à l’élite du parti et, cerise sur le gâteau, ou plutôt gâteau sur la pièce-montée, au « palais du peuple ».

Ce mastodonte est la première chose que l’on voit en débarquant en ville. Et pour cause : avec ses 270 mètres de long, 240 de large et 86 de haut, il s’agit du deuxième plus gros immeuble jamais construit, derrière le Pentagone. Ses 2.550.000 m2 devaient abriter tous les services de l’Etat, de la présidence jusqu’aux services secrets. Aujourd’hui, il a beau abriter le Sénat, le Parlement et la Cour constitutionnelle, il n’est utilisé qu’à 30% de sa capacité.

Devant s’étire le Boulevard de l’Unification, qui se voulait être la réponse du communisme roumain à l’avenue des Champs-Élysées de Paris, avec une longueur de 3 500 mètres et une largeur plus grande (de 20 mètres) que l’avenue parisienne. Cette artère est bordée d’immeubles plus ou moins beaux qui devaient servir à loger les cadres du parti.

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Nous partons de là pour visiter ce qui a survécu de la vieille ville. En trois heures de marche, nous découvrons des petites rues piétonnes très animées, ou les palaces hausmaniens cohabitent avec des immeubles Art nouveau ou Dadaïstes plus fantaisistes. Bucarest est une capitale pleine de contrastes, ce qui en fait une destination particulièrement intéressante à découvrir. On commence par l’Auberge de Manuc, l’un des derniers caravansérail du pays. Parfaitement conservé, l’auberge a été construite en 1808 par l’Arménien Emanuel Marzoian, homme d’affaires un peu fantasque.

Face au caravansérail, une statue de Vlad Tepes et les ruines de son ancien palais.

Face au caravansérail, une statue de Vlad Tepes et les ruines de son ancien palais.

L’église du monastère Stavropoleos est une merveille nichée dans un angle. C’est un exemple du style brâncovan : décor en médaillons représentant des saints, arabesques florales peintes sur les murs et dentelle de pierre autour des Verrières. L’église a miraculeusement échappé à la destruction de l’époque de Ceaușescu et la vie monastique y a maintenant repris ses droits : les moines vivent juste à côté de l’église de l’autre côté du cloître accolé à la façade sud.

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Nous terminons la visite sur la place de la révolution, où Ceaucescu a tenu son dernier discours en décembre 1989 avant d’être arrêté. C’est l’occasion pour notre guide d’évoquer son enfance dans une Roumanie manquant de tout, ou l’électricité et le chauffage n’étaient disponible qu’une heure par jour et l’eau chaude trois fois par semaine. La place est délimitée par quelques uns des points de référence les plus importants de Bucarest. On y voit par exemple le Palais Royal (où siège aujourd’hui la présidence) et le Palais du Sénat.

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Un monument a été érigé en 2005 sur la place. Il s’appelle officiellement Le mémorial de la renaissance et de la gloire éternelle aux héros et à la Révolution roumaine de décembre 1989, mais les habitants l’appellent « Potatoe on a stick », la « patate en brochette ». Certains vont même jusqu’à parler de « Cerveau empalé », en référence à Vlad Tepes. Ce monument (qui a quand même coûté 1,5 million d’euros) est tellement peu apprécié qu’en 2008, des candidats aux élections municipales ont promis de le démolir s’ils étaient élu.

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D’ailleurs, ce n’est pas le seul monument controversé dans la ville. Le pire étant la statue de l’empereur Trajan, nu avec une louve de Dacie dans les bras, placée en 2012 sur les marches du musée national. Je vous laisse admirer le travail :

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Après le déjeuner, nous terminons ce périple d’une façon digne de Young Pioneer Tours en allant rendre « nos hommages » au couple Ceaucescu. Leur tombe est dans un cimetière aux portes de la ville. Une pierre tombale sans fioritures, mais recouverte de gerbes de fleurs. En théorie, il n’est pas autorisé d’aller y jeter un œil et encore moins de prendre des photos. Dans la pratique, des vieilles dames nous indiquent la direction dès notre entrée dans le cimetière, sans qu’on leur demande quoi que ce soit.

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On finit notre journée dans l’un des restaurants les plus connus de la ville : le Caru’ cu Bere (Le chariot à bière). Bonne bouffe, bonne bière, bonne ambiance : parfait pour terminer ces deux semaines en beauté. On continue la soirée dans le Silk Sky Bar, qui offre une vue panoramique sur la ville, puis aux Bourgeois, l’un des très nombreux cafés du centre.

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Mon dimanche est consacré à la visite du château de Sinaia.

Lundi 23 février

Journée un peu spéciale aujourd’hui, et moins consacrée aux visites. D’abord, parce que je me suis levé tard. Ensuite, parce que je me suis enfin jeté à l’eau. Depuis mon départ de Moldavie, je pense à y retourner afin de revoir la jeune femme que j’y ai rencontré. Oui, c’est idiot, elle est Moldave et ça ne mènera à rien. Mais si je n’y retourne pas, je sens que je le regretterai. « Dis-moi, tu serais libre ce soir ou demain pour aller dîner ? – Tu reviens en Moldavie ? Pour quelle raison ? – Pour dîner avec toi. »

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Surprise ! Elle est d’accord. Ensuite, ça se corse. Je tente de réserver un vol pour l’après-midi sur Edreams. Paiement par carte bancaire rejeté, faut que je fasse un virement. Bon. Je fais un virement. Ils m’envoient au même moment un mail pour dire « paiement rejeté, faites un virement, sauf si votre vol est dans moins de 6 jours ». Trop tard. J’appelle. « C’était bien écrit qu’il ne fallait pas faire le virement monsieur. – Bon, et je fais comment pour réserver maintenant ? – Vous ne pouvez pas. Bonne journée monsieur. »

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Je file donc à la gare acheter un billet de train de nuit pour Chisinau et je réserve dans la foulée  un vol me ramenant à Bucarest dans deux jours (sur Opodo cette fois, et eux me cassent pas les burnes avec une histoire de virement). J’aurai donc un déjeuner et un dîner avec ma demoiselle. La journée est maintenant bien entamée et il est trop tard pour visiter le parlement. À la place, je vais donc me promener dans le nord de la ville, de la place Charles de Gaulle jusqu’à l’Arc de Triomphe, puis vers la place de la victoire.

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Ce quartier de la ville compte beaucoup de bâtisses des années 1920 et est le lieu de résidence des familles les plus fortunées de la ville. Les rues chic manquent toutefois de vie, comme c’est souvent le cas. La place de la victoire marque la fin de la rue du même nom, qui traverse une bonne partie du centre ville. Elle est entourée de musées.

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Enfin, les quelques rues qui mènent de la place à mon hôtel (Popa Tatu, Vulcanescu, etc.) offrent aussi de belles demeures familiales des années 1930, malheureusement parfois malmenées par le temps. Je fais aussi un arrêt à l’Athénée roumain (en roumain : Ateneul Român, du coup j’ai cru que c’était « Athénée romain » pendant longtemps), une salle de concert inaugurée en 1889.

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Ma randonnée urbaine s’achève ici et il est temps pour moi de préparer un baluchon et rejoindre la gare. Je reprends le même train que pour le trajet Chisinau-Bucarest. Mais dans ce sens, il est bien moins agréable: l’arrêt de 3 heures à la frontière ne se fait plus entre 18 et 21h, mais entre 4 et 7h…

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