Mercredi 18 février (deuxième jour sans eau chaude)
Notre programme du jour nous même à Tighina/Bender/Bendery, que j’appellerai Bender en hommage au fameux robot.
Cette ville a la particularité d’être située sur la rive droite du Dniestr : elle ne fait donc pas partie du territoire reconnu internationalement de la Transnistrie, qui, je le rappelle, n’est pas reconnue. C’est clair ? Bref, c’est le bazar, et c’est pour ça qu’il y a des checkpoints tenus par des soldats russes à l’entrée de la ville.
Sur la route, nous apercevons le stade Sheriff, qui accueille l’équipe de football Sheriff Tiraspol. Ce stade, c’est un peu « la gestion soviétique de l’argent public pour les nuls », ou comment dépenser 200 millions de dollars pour un stade dans un pays où le salaire moyen est de 150 euros par mois.
Bender est la ville où ont eu lieu la majorité des combats pendant la guerre civile qui a opposé en 1992 l’armée transnistrienne (soutenue par la Russie et l’Ukraine) aux forces armées moldaves (soutenues par la Roumanie).
En fait, il s’est passé la même chose qu’aujourd’hui dans le Donbass : comme je vous l’ai expliqué, à la fin de l’URSS, la Transnistrie a voulu son indépendance. La Moldavie leur a proposé un statut de région autonome, mais les dirigeants transnistres ont refusé en déclarant qu’ils préféreraient rejoindre la Russie.
Les négociations ont échoué et, sur fond de tentative de prise de contrôle d’une centrale hydroélectrique près de Bender, le conflit a éclaté en mars. Il s’est soldé, en juillet, par un cessez-le-feu et le maintien de l’indépendance de la Transnistrie.
L’hôtel de ville, qui était occupé par des snipers, porte encore les marques des tirs utilisés pour les déloger.
Nous faisons tranquillement le tour de la ville à pied, en nous arrêtant d’abord dans le Parc Lénine, où trône une statue du monsieur, puis dans le plus grand marché du pays.
Notre promenade nous conduit à la gare, où passent deux ou trois trains par jour. Malgré ce statut de gare semi-fantôme, un garde vient nous engueuler parce que nous prenons des photos, et que c’est interdit. « Pourquoi prenez-vous des photos ? Vous travaillez pour qui ? Américains ? » « Non, je suis espion pour la SNCF. Vous serez bien embêtés quand on copiera votre gare partout en France ! »
Un vieux train de l’époque soviétique est parqué devant la gare. Il contient un musée dont les horaires d’ouverture sont aléatoires : ça dépend de la motivation des babouchkas qui s’en occupent. Là, il est fermé.
J’apprendrai plus tard qu’à Bender se trouve une forteresse construite au XVIIIe siècle, dont les remparts surplombent la rivière. Pour une raison qui m’est inconnue, notre guide ne nous y emmène pas. A la place, nous faisons le tour du centre-ville.
Près de la rivière a été érigé un monument à la gloire des marins. Je vous entends déjà rire : « des marins ? Mais y’a pas de mer en Transnistrie ». Certes, mais il y a une rivière.
Comme un peu partout en ex-URSS, il y a un parc d’attraction qui semble totalement abandonné. Sauf qu’un homme est assis devant la grande roue et la met en marche pour nous.
Dernière visite de la journée : le Mémorial du souvenir et du chagrin, dédié aux victimes de la guerre civile. Celle-ci a fait entre 300 et 900 morts du côté des indépendantistes et 300 du côté moldave.
Alors que les autres se posent dans un café, je vais faire un tour au supermarché Sheriff, pour acheter une bouteille de vodka et une autre de cognac. Un homme me conseille d’aller dans un autre magasin pour les payer moins cher. C’est gentil de sa part, mais j’ai un peu la flemme d’aller plus loin pour économiser trois roubles.
Nous rentrons en taxi à Tiraspol, récupérons nos bagages à l’hôtel et nous mettons en route vers la gare, d’où nous devons partir deux heures plus tard pour Chișinău.
Pourquoi si tôt ? Au cas où nous aurions des problèmes avec l’immigration, puisque nous n’avons jamais été officiellement enregistrés. Mais finalement, après avoir patienté un peu dans le même boui-boui qu’à notre arrivée, nous nous mettons d’accord sur une autre stratégie : pénétrer au dernier moment dans la gare et monter dans le train ni-vu ni-connu.
C’est donc ce que nous faisons après avoir dépensé nos derniers roubles dans une cave locale et mis Tim -qui tient à peine debout… mais quand a-t-il bu autant ?! Il était avec nous toute la journée !- dans un taxi.
Après 2h20 de train, pour un trajet de 64 kilomètres, nous arrivons à Chișinău. Bienvenue en Moldavie.