Samedi 2 mai
Après deux jours à avoir la fameuse chanson dans la tête, peut-être pourrais-je l’exorciser en allant sur place ?
Pour ne pas me faire avoir, cette fois, j’ai vérifié les horaires des bateaux hier sur Internet. Il y en a toutes les 20 minutes environ durant la matinée. En arrivant au port pour acheter mon billet, à 9h30, je vois que le prochain départ est à 12h.
Après avoir tout de même lâché 35 euros pour un aller-retour, je profite de ces deux heures d’attente pour aller me promener dans cette zone de la ville. 500 mètres plus loin, je vois un embarcadère. Tiens ? J’ai un mauvais pressentiment. Je m’approche.
Prossima partenza Capri : 10:10 10:35 11:10
Comme un boulet, j’ai pris un billet sur un ferry alors que les hydroglisseurs et petits bateaux partent d’ici.
Bon, je vais tout de même voir le Castel Nuovo, château érigé au XIIIe par Charles Ier d’Anjou, dont le superbe portail en marbre est de style renaissance et commémore l’arrivée d’Alphonse Ier d’Aragon à Naples en 1443 (notez comme je passe facilement de l’énervement au langage encyclopédique rébarbatif).
Non loin de là se trouve la superbe galerie commerciale Umberto I, qui date du XIXe siècle.
J’arrive enfin sur la Piazza del Plebiscito. D’un côté, le palais royal (en restauration), de l’autre l’église San Francesco di Paola, construite au XIXe siècle et inspirée du Panthéon de Rome.
Il est ensuite l’heure d’aller prendre ce ferry, qui me mène en une heure à Capri.
Capri, c’est finiiiii– ah non, pas encore. Je débarque donc à Capri, charmante bourgade de 13.400 habitants, masse de calcaire s’élevant au-dessus du bleu méditerranéen, coiffée de nuages menaçants, mais heureusement passagers.
Au cœur de la ville, la piazza Umberto Ier est le point de rassemblement des touristes, la ruche où les bars facturent une citronnade trois fois son prix et où l’on vient surtout pour se montrer.
Pas de chichi chez moi, j’enfile mes meilleurs mollets et je pars vers la villa Jovis. Dès que l’on s’éloigne de l’hypercentre, Capri dévoile ses charmes : minuscules rues aux panoramas splendides, potagers luxuriants, villas remarquables et odeurs enivrantes m’accompagnent jusqu’à la pointe de l’île où l’empereur Tibère (sans doute un ancêtre de Jean Tiberi) avait fait construire sa résidence.
Elle a été la maison de vacances des empereurs romains jusqu’au IIe siècle. Aujourd’hui, il n’en reste que des ruines… Mais la vue, elle, est intacte. 300 mètres au-dessus de la mer, on peut contempler la côté amalfitaine. Selon la légende, Tibère balançait les amants qui ne l’intéressaient plus du haut de la falaise.
De là, je suis un sentier côtier qui longe l’est de l’île. Ici, loin du bourg et de ses hordes de touristes, c’est le règne du silence, des lézards et des paysages vertigineux.
De l’Arche naturelle au belvédère du Travalga, ce n’est qu’émerveillement et petites criques coiffées de villas aux vues incroyables.
« Tu les trouves jolies mes fesses ? Et mes seins, tu les aimes ? Qu’est-ce que tu préfères : mes seins ou la pointe de mes seins ? » Oui, la villa Malaparte, où Godard tourna Le Mépris, apparaît à l’horizon.
Pour l’anecdote, cette scène n’était pas prévue dans le film et a été rajoutée par Godard seulement parce que les producteurs américains du film, qui avaient payé rubis sur l’ongle la présence de Bardot, voulaient en avoir pour leur argent. Le « Tu les trouves jolies, mes fesses ? » est donc adressé à eux, plus qu’à Michel Piccoli.
Revenu en ville, je m’arrête souffler un instant aux jardins d’Auguste, des jardins conçus par l’empereur Auguste qui avait déjà l’œil pour choisir les points de vue, même s’il ne se doutait sûrement pas que 2000 plus tard, on se fierait toujours à son jugement.
Bref. À part Capri, sur l’île de Capri, il y a un autre village appelé Anacapri (ce qui veut dire, en grec, « au-dessus de Capri »).
Je prends le bus pour y aller, puisque ce village se trouve perché sur le mont Solaro. Un télésiège mène d’Anacapri au sommet du mont (589 mètres), mais il est malheureusement déjà fermé quand j’arrive. Je vais donc un tour du village, qui ne présente pas grand chose à part une église avec un sol en mosaïque représentant l’Eden et quelques jolies rues plus calmes qu’en bas, avant de redescendre.
Pas de bus cette fois, j’emprunte un escalier qui, en 800 marches, me mène au port. Une pensée pour les trois personnes que j’ai croisées et qui avaient décidé de faire le trajet d’en l’autre sens. J’espère que le monsieur d’âge mûr qui m’a demandé s’il était encore loin du sommet a pu arriver en haut.
Au port, j’ai une petite heure à tuer et vais donc, tout simplement, dîner. Une pizza mozzarella di buffala avec des tomates, impossible de faire plus caprese. Et « I will have white wine.
– Half liter?
– Euh…
– It’s local wine!
– Ok then. »
Me voilà donc avec un grand pichet de vin (bon, ma foi) alors que je n’ai rien mangé depuis le matin. Autant dire qu’en sortant de là, je suis un peu pompette.Ca n’arrange pas le Hervé Vilard que j’ai toujours dans la tête.