C’est un rêve devenu réalité : en décembre 2021, j’ai enfin eu la chance de fouler le septième continent lors d’une croisière de dix jours au départ d’Ushuaia. Au programme : des promenades en mer parmi les baleines, les phoques et les icebergs, et des balades à terre en compagnie des manchots. Attention, la bouille de certains d’entre eux va vous faire craquer !
Après deux semaines au Chili, mon voyage de fin d’année continue avec une destination qui nous a tous fait rêver un jour ou l’autre : Ushuaia. J’y arrive avec après deux vols, Santiago > Buenos Aires puis Buenos Aires > Ushuaia. Nous voici dans la ville qui se présente comme la plus australe du monde (Puerto Williams, un peu plus au sud, dit la même chose, mais elle est moins connue). A la sortie de son minuscule aéroport tout en bois, nous sommes frigorifiés par un vent piquant : pas de doute, nous sommes bien au bout du monde.
Nous visitons un peu la ville et ses alentours (je détaillerai cela dans un autre article), mais notre tête est ailleurs : si nous sommes ici, comme beaucoup de touristes, c’est pour ne pas y rester et vite embarquer pour une croisière vers le continent blanc.
En hors-d’oeuvre, voici une vidéo d’une minute qui résume le voyage :
Voir cette publication sur Instagram
█ Jour 1 : on part pour l’Antarctique !
Date : 15.12.2021
Position : 54°48’.5 S, 68°37’.2 W
Vent : Force 2
Temps : Partiellement nuageux
Température : +11
On y est enfin ! Vingt mois après avoir réservé ma croisière, et moins de deux mois après avoir reçu la confirmation qu’elle aurait bien lieu, c’est aujourd’hui le jour du départ pour l’Antarctique. Mais à condition d’avoir un test Covid négatif pour pouvoir embarquer…
A 10h, nous quittons notre hôtel à Ushuaia pour aller déposer nos bagages dans une petite église de la ville, utilisée par Oceanwide Expeditions comme centre opérationnel. L’équipe nous indique de revenir à 15h15 pour notre test. S’il est négatif, nous embarquerons dans la foulée. S’il est positif… nous ne savons pas ce qui se passera, et préférons ne pas le savoir. Plus que cinq heures de stress avant de savoir si nous pourrons embarquer ou non. Le test le plus stressant de ces deux dernières années !
15h15, nous voici alignés dans la même église, à nous faire triturer la narine, puis à scruter le test en croisant très fort les doigts. Et c’est bon ! Nous montons dans le bus qui nous amène au navire, un immense souvenir aux lèvres. Il s’agit du Hondius, le même que lors de ma croisière au Groenland. Il passe six mois dans l’hémisphère nord puis six mois dans le sud. L’équipage aussi, puisque je reconnais plusieurs têtes de mon précédent voyage. Drôle de sensation que de remonter dans ce bateau où j’ai tant de si bons souvenirs ! Rien n’a changé, à l’exception des bornes de gel hydroalcoolique qui ont fleuri dans chaque recoin. Ma cabine est identique également : je la partage avec Emilie (qui a publié des photos formidables du voyage – et d’autres destinations – sur son compte Instagram) ainsi que Marshall, guide chez Young Pioneer Tours (et co-prince de l’île que nous avons achetée ensemble), et Ebru, sommelière et fiancée de Marshall (ils ont voulu se marier en Antarctique, mais à cause du Covid, le capitaine n’avait pas le droit d’officier, ça n’a donc pas pu se faire – dommage, les manchots avaient la tenue adéquate).
NB : Tous les jours, nous nous échangions nos meilleures photos ou vidéos. De ce fait, je ne sais pas forcément qui a pris lesquelles. Un grand merci, donc, aux personnes qui ont participé sans le savoir à ce billet 🙂
Après avoir pris possession de notre cabine, nous remontons vers 17h30 pour les traditionnels briefings de sécurité. Le premier concerne « le sujet le plus important du voyage » : le Covid. Bonne nouvelle, les 162 passagers du navire ont été testés négatif. Mais à cause du temps d’incubation du virus, cela ne veut pas dire que nous sommes tirés d’affaire : pendant les prochains jours, nous devrons être particulièrement prudents si nous ne voulons pas être placés en quarantaine, avec interdiction de descendre à terre. Cela a été le cas de plusieurs expéditions depuis le début de la saison, nous prévient-on. Puis vient la mauvaise nouvelle du jour : la traversée du passage de Drake, entre l’Amérique du sud et l’Antarctique, va être violente. Très violente. La carte météo de la zone est quasiment entièrement violette, la couleur qu’on préfère ne pas voir sur une carte, celle qui vient après le rouge foncé. « The purple monster », comme l’a surnommé l’équipage. Voilà qui promet.
Le programme de la soirée est chamboulé pour que nous puissions avoir les autres briefings de sécurité avant minuit : trop de gens risquent de ne pas être en état d’y assister demain… Le dîner est expédié plus rapidement que prévu – pas de repas d’accueil, il s’agit d’un buffet – puis nous nous retrouvons tous dans le salon pour assister à la présentation de l’équipage, avoir un aperçu rapide de notre itinéraire (qui est amené à évoluer en fonction des circonstances), puis avoir un briefing obligatoire sur le comportement à observer sur le navire et en Antarctique : ne rien y laisser (masques, plastique…), ne rien y ramasser (pierres, pingouins, fossiles…) et ne pas y laisser de traces (graffitis, cairns….). Du bon sens, mais cela va mieux en le disant…
Nous observons ensuite le soleil se coucher à mesure que nous traversons le canal de Beagle, où nous sommes relativement protégés. Il est 23h, nous arrivons à son extrémité et la houle commence à se faire fortement ressentir. La nuit va être longue…
█ Jour 2 : le très agité passage de Drake
Date : 16.12.2021
Position : 56°44.5’ S, 65°36’.1 W
Vent : Force 10
Temps : Partiellement nuageux
Température : +3
Longue, elle l’a été. Dès minuit, nous avons été accueillis dans l’océan par des creux de 10 à 15 mètres et une houle de 40 à 60 nœuds (10-11 beauforts). Plus qu’il n’en faut pour simplement nous bercer. La nuit est passée pour moi dans un état de semi-somnolence, avec par moment des réveils en sursaut où, pensant tomber du fait d’un creux plus important que les autres, je m’accrochais à ce que je pouvais.
A 8h, après une douche acrobatique, j’arrive dans une salle à manger quasiment vide pour le petit déjeuner. Si je n’ai pas été malade, beaucoup d’autres passages n’ont pas cette chance et préfèrent garder le lit. L’un d’eux aurait dû le faire, ça lui aurait évité de vomir sur ma table…
Tous les ponts sont fermés pour d’évidentes raisons de sécurité, je reste donc dans la salle commune pour admirer la mer et tenter de faire quelques photos, puis retourne me coucher… jusqu’au déjeuner, lui aussi servi dans une salle aux trois quarts vides. Après une conférence sur les albatros, je retourne dormir jusqu’au goûter. Manger, dormir, manger, dormir… J’ai un peu l’impression d’être comme les humains dans Wall-E, mais heureusement ce n’est que pour deux jours. Et je n’ai pas à me plaindre : déjà, je ne suis pas malade ; et surtout pensons aux explorateurs ou pêcheurs d’il y a un siècle, qui faisaient le voyage sur des navires n’ayant pas le dixième du confort du Hondius. Cela à de quoi nous rendre humble.
█ Jour 3 : dernières préparatifs avant l’arrivée
Date : 17.12.2021
Position : 60°35’.5 S, 64°03’.9 W
Vent : Force 6
Temps : Partiellement nuageux
Température : +3
La mer s’est enfin calmée, ce qui nous permet d’accélérer la cadence. Lors de la tempête, nous n’avons avancé qu’à 10 nœuds par heure en moyenne, notamment car des stabilisateurs hydrauliques situés sous la coque étaient déployés pour réduire les mouvements du bateau (qui a atteint un angle de 20° au maximum). Ils sont désormais repliés pour que nous puissions rattraper notre retard, ce qui signifie que les mouvements du navire restent importants. La journée passe de la même façon que la veille : manger, dormir, assister à des présentations des spécialistes présents à bord. Une sur les glaciers, à laquelle j’avais déjà assisté au Groenland, et une autre sur les manchots…
Nous devrions voir trois espèces différentes de ces derniers, sur les 18 répertoriées : les manchots à jugulaire, les manchots Adélie et les manchots papou. On en apprend un peu plus sur leurs mœurs. Ce sont « des dépravés sexuels et des hooligans », selon le Dr George Murray Levick, qui les a observés lors de l’expédition du capitaine Scott en 1911-1912 : il a été tellement horrifié par leurs pratiques sexuelles qu’il a rédigé ses observations en grec pour les rendre inaccessibles au lecteur moyen.
Nous précédons également au nettoyage des vêtements que nous porterons à terre : pour éviter l’introduction d’espèces invasives, il est obligatoire de passer un coup d’aspirateur sur nos écharpes, bonnets, vestes, sacs à dos… La journée s’achève par un nouveau test anti-Covid. La clef pour pouvoir descendre à terre. Avoir fait tout ce trajet pour n’observer ces terres glacées que depuis un hublot, ça serait horrible, non ?
█ Jour 4 : Orne Harbor et île de Cuverville
Date : 18.12.2021
Position : 64°37’.6 S, 62°32’.4 W
Vent : Force 6
Temps : Ensoleillé
Température: +2
Au moment où j’écris ces lignes, il est 23h, je suis allongé sur la banquise, dans un sac de couchage, avec quelques flacons de neige qui me tombent sur le visage et une vue splendide sur un glacier. Autant dire que je passe un excellent moment et suis particulièrement heureux. Pourtant, la journée était bien mal engagée.
Hier, je terminais mon récit en écrivant que nous allions tous nous faire tester contre le Covid. Vers 22h30, la mauvaise nouvelle est tombée : il y a deux cas positifs sur le bateau. Deux personnes qui ont donc été mises immédiatement en quarantaine et ne verront l’Antarctique que derrière un hublot. C’est évidemment malheureux pour eux, mais ce n’est pas le pire : le navire a officiellement le droit de circuler avec quatre cas de Covid à bord maximum. Au cinquième, c’est retour à Ushuaia. Autant dire que notre première journée sur le septième continent pourrait fort bien être la seule, si ces deux personnes en ont contaminées d’autres. C’est pourquoi quand Marshall m’a réveillé à quatre heures du matin en me disant qu’on voyait des icebergs par la fenêtre, je ne me suis pas dit « on en verra toute la journée, je préfère dormir » mais « j’ai peut être payé 6000€ pour passer une seule journée en Antarctique, je vais en profiter un maximum. »
A 4h30, nous voilà donc sur le pont du navire à observer les premières terres recouvertes de glace, sous un ciel magnifique, bleu, noir, orange. Nous croisons des icebergs, des baleines viennent nous saluer… Ca y est, le voyage commence vraiment ! Espérons qu’il se poursuive le plus possible…
Après le petit déjeuner, nous jetons l’ancre à Orne Harbour, l’un des rares lieux où il est possible de débarquer sur le continent – c’est-à-dire un endroit sans falaise de glace ! Les passagers sont divisés en différents groupes pour les activités : Ebru, Emilie, Marshall et moi (et quelques autres) commençons par un tour en zodiac dans la baie. La mer est peu agitée et le ciel d’un bleu pur, mettant en valeur la baie et les cinquante nuances de bleu des icebergs que nous croisons. Comme au Groenland, leur taille, leurs couleurs, leur forme sont hypnotiques ! Avec ici la cerise sur le gâteau : des manchots qui ont parfois élu domicile sur ces vaisseaux de glace !
Puis nous posons le pied à terre. J’ai donc officiellement marché sur les sept continents. Mais ce n’est pas ce que je me dis à ce moment-là. Ma première réflexion est plus pragmatique : « le sol ne bouge pas ! » Après trois jours en mer, c’est un petit bonheur.
Les débarquements s’effectuent comme lors de la croisière au Groenland : le staff définit des zones sûres où il est possible de marcher, et nous avons la possibilité de rester tranquillement sur la côte ou de marcher un peu. Ici, en l’occurrence, de monter vers une crête. Et Dieu que ça fait du bien de se dégourdir les jambes ! « On dirait que c’est une promenade au parc pour toi », me lance une passagère alors que je la double dans la montée. Franchement, j’ai juste besoin de courir.
Deux photos d’Emilie (vous ne trouvez pas qu’elle devrait les vendre ?) :
Je me demandais si cette croisière serait un peu redondante avec le Groenland. Pas du tout. Les paysages sont complètement différents : alors que le Groenland était par moment une explosion de couleurs, ici c’est le blanc qui domine tout. Et la lumière est indescriptible ; comme si un filtre était appliqué sur le paysage.
Nous rencontrons aussi nos premiers manchots à jugulaire (Pygoscelis Antarctica), reconnaissables à la ligne noire sur le menton, qui donne l’impression qu’ils sourient tout le temps. De face, c’est mignon, de profil ça fait un peu Joker !
Cette matinée incroyable n’est que le prélude d’une journée mémorable. Puisque l’après-midi, nous arrivons sur l’île de Cuverville, l’un des plus beaux points de débarquement de la région. D’une part, parce que c’est magnifique (je n’ai pas pris mon dictionnaire de synonymes, désolé), et aussi car on y trouve une grande colonie de manchots papous (pygoscelis papua papua). Et là, je vais casser un peu le mythe : les manchots, ça pue. A des kilomètres. Mais ils sont quand même incroyable à observer, et tellement drôles avec leur démarche hésitante, leurs chutes fréquentes et simplement leur comportement parfois si familier : « il vient faire coucou », « ils discutent », « celui-là attend son pote »… l’anthropomorphisme à son paroxysme !
On pourrait rester des heures à simplement observer ces petits bonhommes, mais arrive l’heure de notre tour en zodiac lors duquel, en plus des icebergs, dont l’un s’effondre devant nous avant de se retourner, nous voyons aussi des phoques. Puis nous revenons à terre pour une expérience qui était attendue par de nombreux passagers : le Polar Plunge, le bain polaire. « Morgan, tu le fais ? » « Vous rigolez ou quoi ? C’est déjà trop froid pour moi en Bretagne ! » J’ai beau répéter que c’est une idée complètement débile, mes amis tiennent absolument à le faire et me mettent gentiment la pression pour que je ne sois pas le seul parmi nous à me défiler. In fine, je me jette à l’eau sous l’oeil curieux de quelques manchots et résumerai cette expérience par une phrase de Breton : « quand on est dedans, ça va. »
L’arrivée de cas de Covid a changé beaucoup de choses sur le bateau, et l’une d’elle est que les dîners pantagruéliques se font maintenant en groupes, avec des horaires réduits et un menu fixe. Après ce dernier, nous repassons sous les mains plus ou moins délicates des membres d’équipages pour un nouveau test antigénique qui décidera de notre sort pour le lendemain. Ils s’avèrent tous négatifs : nous avons donc un jour de sursis !
Et comment me suis-je retrouvé à dormir sur la banquise ? C’était tout simplement une activité optionnelle. A 21h, les volontaires se sont retrouvés près des portes menant aux zodiacs. A terre, nous avons chacun choisi un endroit où creuser notre abri pour la nuit puis déroulé notre sac de couchage. A défaut d’avoir une vue sur le rougeoyant soleil de minuit, nous voici sous la neige. C’est déjà beaucoup.
█ Jour 5 : Danko Harbour et Wilhelmina Bay
Date : 19.12.2021
Position : 64°38’.3 S, 61°36’.2 W
Vent : Force 5
Temps : Neige
Température : -1
J’étais sceptique quant à ma capacité à dormir dans ces conditions, mais finalement la fatigue de la journée et la quiétude des lieux, seulement brisée par des bruits d’avalanches ou de glace craquant dans la mer, me conduit rapidement dans les bras de Morphée. A tel point que lorsque le guide vient me réveiller, à 5h du matin, quasiment tout le monde est déjà debout et prêt à partir.
Nous revenons sur le bateau puis, après une douche chaude et le petit déjeuner, reprenons les zodiacs pour Danko Harbour, où nous arrivons trempés par les gerbes d’eau reçues lors de la traversée. Ici vit une autre colonie de manchots papous que nous observons dans une atmosphère presque digne d’une grande expédition : nous progressons lentement face à un puissant blizzard, raquettes aux pieds, protégeant nos yeux de flocons de neige se transformant en milliers de petites aiguilles. Les manchots, eux, semblent à peine perturbés par la météo, et plus par les oiseaux qui viennent leur voler des œufs.
Les éléments sont vraiment contre nous, mais je pense que ces scènes resteront gravées dans nos mémoires car il n’y a là aucun doute : nous sommes sur le continent gelé. Et dire que c’est l’été ! On peine à imaginer le climat ici en plein cœur de l’hiver.
Nous revenons sur le Hondius pour le déjeuner et mettons le cap sur Neko Harbour, une baie où un impressionnant glacier vient mourir en une myriade d’icebergs. Malheureusement, le vent se lève – 60 nœuds – et un navire croisant dans les parages indique à notre capitaine que la zone est impraticable.
Nous mettons alors le cap vers Wilhelmina Bay où les baleines aiment se retrouver. Mais elles font les timides aujourd’hui et l’après-midi passe dans le calme. Jolies vues, jeux, exposés de l’équipage sur la vie sauvage… Après les dernières 36h, j’avoue sans peine en avoir profité pour faire une bonne sieste. Alexis, un des membres d’équipage avec qui j’avais sympathisé au Groenland, m’explique qu’eux aussi ont accueilli cette demi-journée plus calme avec soulagement. L’arrivée du Covid dans l’équation et l’obligation de séparer les passagers en groupes a littéralement doublé leur charge de travail en une nuit. Et franchement, on ne peut que tirer notre chapeau à la qualité de l’organisation et à la façon dont ils ont géré la situation.
D’ailleurs, en parlant de Covid : tous les tests du jour sont négatifs ! Jour 3, nous voilà ! Mais en attendant, c’est l’heure du traditionnel barbecue sur le pont, alors que le Hondius est ancré dans une superbe baie. La fête est plus calme qu’en 2019, Covid oblige, mais très appréciée.
█ Jour 6 : Paradise Harbour et Base Brown
Date : 20.12.2021
Position : 64°54’.6 S, 62°54’.24 W
Vent : Force 6
Temps : Ensoleillé
Température : +1
Après plusieurs changements de programme dus à la météo, Sarah (la responsable de l’équipe) décide finalement de nous faire découvrir Base Brown, une zone où les Argentins ont construit une base d’observation. Elle est liée à une histoire amusante : un médecin qui était sur place pendant une saison pensait que sa femme le trompait, à terre. Quand la relève est arrivée, il a découvert qu’elle ne comptait pas de médecin et qu’il devrait donc passer une nouvelle saison sur place. Passablement énervé, il a donc mis le feu à la base pour rentrer plus tôt. Elle est donc aujourd’hui plus petite qu’avant.
La zone est tellement belle qu’on y passe la journée, avec une croisière en zodiac le matin et un débarquement l’après-midi. L’occasion de faire un peu d’exercice. Au large, on aperçoit un gros navire de croisière, ce qui énerve grandement l’équipe. En effet, les bateaux ne sont pas censés se croiser : une partie de l’expérience qu’on nous vend consiste à se croire dans une zone complètement sauvage ; si on commence à voir des paquebots, l’illusion d’être des sortes d’explorateurs est brisée. Pour éviter cela, les navires doivent déclarer leur plan de route. Autre règle : il ne peut pas y avoir plus de 100 passagers à terre en même temps. C’est pour cela que nous alternons à chaque fois promenade en zodiac et débarquement. C’est possible pour nous car le Hondius est un petit navire, mais impossible pour les plus grands : la grande majorité des touristes qui viennent en Antarctique ne mettent donc pas le pied à terre et restent sur leur bateau.
Le soir, nous croisons plusieurs orques qui passent à proximité du navire : une rencontre rare !
█ Jour 7 : Foyn Harbour et Portal Point
Date : 21.12.2021
Position : 64°29’.9 S, 61°44’.5 W
Vent : Force 1
Temps : Partiellement nuageux
Température : -1
Le lever est fixé à 4h30 aujourd’hui, pour nous permettre de visiter deux endroits différents avant de reprendre la route vers Ushuaia. Du fait des changements de programme, nous sommes bien plus au sud que prévu initialement et il nous faut donc repartir huit heures plus tôt pour rentrer au port à l’heure convenue le 24 décembre.
On commence par une sortie en zodiac dans le Foyn Harbour qui nous gratifie d’une mer calme comme un lac et d’un ciel d’un bleu éclatant. La promenade nous permet d’approcher de l’épave du Governoren, un navire-usine du début du XXe siècle, qui a coulé à la suite d’un incendie lors d’une fête un peu trop arrosée, après une fructueuse saison de chasse à la baleine. Nous voyons également une baleine, qui reste plusieurs minutes dans la baie pour notre plus grand plaisir.
A Portal Point, la sortie en zodiac est aussi mémorable, puisque nous y voyons plusieurs phoques, dont une impressionnante phoque éléphant. Puis nous allons à terre pour la dernière fois, profiter de la vue sur la baie, des manchots et des phoques, avant un retour plein d’émotions sur le Hondius. C’est en effet l’heure de dire au revoir à l’Antarctique et de rentrer à la maison.
█ Jours 8 et 9 : le passage de Drake dans l’autre sens
Date: 22-23.12.2021
Et voilà, nous revoici cloîtrés dans le navire pour environ 72 heures, le temps de retraverser le passage de Drake. Manger, dormir, trier des photos, assister à des présentations…Le programme est globalement le même qu’à l’aller, les tests antigéniques et les souvenirs en plus. L’inquiétude de devoir faire demi-tour a disparue mais a été remplacé par une autre : celle de ne pas pouvoir débarquer à Ushuaïa si d’autres cas sont détectés sur le bateau. Nous redoublons donc de prudence avec les masques, le gel, la distance sociale… Car personne ne veut passer dix jours en quarantaine dans le canal de Beagle.
█ Jour 10 : retour à Ushuaia
Date : 24.12.2021
Position : 54°48’.5 S, 68°37’.2 W
Vent : Force 2
Temps : Beau
Température : +9
Et voilà, en cette veille de Noël, nous débarquons à Ushuaia au petit matin. La fin d’un périple qui s’est finalement parfaitement déroulé (à part pour les quatre personnes qui sont restées en quarantaine tout ce temps) et qui nous laissera des souvenirs impérissables. Nous avons eu de la chance, beaucoup de chance. D’abord de vivre une telle expérience, ce qui n’est pas donné à tout le monde (faut avoir les moyens de claquer six smic dans un voyage). Et surtout, qu’elle ait pu se dérouler relativement sans encombre. J’écrivais en tout début de billet que nous ne savions pas ce qui se serait passé si nous avions été positifs juste avant le départ. Une semaine après notre retour, une autre croisière sur le même a mal tourné : sur le quai, trois personnes étaient positives. Elles n’ont donc pas pu embarquer. Une chance pour elles (oui oui), car au moment où le navire arrivait en Antarctique, 24 cas ont été détectés. Les passagers négatifs ont eu le droit à dix minutes à terre avant que tout le monde rentre se mettre en quarantaine à Ushuaia. Suite à ça, toutes les autres croisières de la saison ont été annulées…
Après un voyage comme ça, on se dit souvent : « je veux y retourner ! ». Perso, je vais d’abord attendre la fin de la pandémie…