Mardi 17 février
Bienvenue en Penestroiz (nom transnistrien de la Transnistrie). Mettez votre chapka, n’oubliez pas vos gants. La température est de -7°, la température ressentie de -15° et le ciel est dégagé.
Plutôt que de rester au chaud dans nos chambres, ce qui ne serait pas très intéressant (ni même très utile, puisqu’il y fait froid), nous voilà partis à la découverte de la riante cité de Tiraspol. D’une population de 160.000 habitants environ, dont 40% de Russes, Tiraspol est connue pour être l’une des dernières villes n’ayant pratiquement pas changé depuis le temps où elle faisait partie de l’URSS.
Ca se voit d’ailleurs au nom des rues : Strada Sovietic, Strada Lenin, Strada Karl Marx… La rue principale est la Rue du 25 octobre, qui correspond selon le calendrier julien au début de la Révolution d’Octobre.
Nous nous arrêtons d’abord au niveau d’une place dédiée aux soldats morts pour la patrie. On peut y voir un tank soviétique T-34, symbole de la victoire sur les nazis, une flamme éternelle en hommage à ceux qui sont morts en défendant la ville en 1941 puis en la libérant en 1944, ainsi que d’autres monuments dédiés à des conflits plus récents. Chose intéressante : l’invasion soviétique en Afghanistan est symbolisée par un pilier cassé, signe que ce fut un échec et une guerre inutile.
Juste en face se trouve le parlement du pays. La statue située devant nous est présentée comme « la plus grande statue de Lénine en dehors de Russie ». Une affirmation difficilement vérifiable. Ceci dit, les statues du sieur Ilitch étant en voie de disparition, elle le deviendra peut-être un jour.
En remontant la rue du 25 Octobre, nous arrivons à une statue du général Alexandre Souvorov, considéré par la Russie comme le plus grand génie militaire de l’histoire du pays. La statue a été érigée en 1979 à l’occasion du 250e anniversaire de sa naissance. L’homme figure aussi sur plusieurs billets de la monnaie locale, le rouble transnistre (qui ne vaut pas un kopeck et ne peut être échangé nulle part).
Nous passons ensuite par un marché couvert, quasiment désert en ce mardi matin, avant de nous arrêter dans un café pour un petit déjeuner tardif – et surtout pour nous réchauffer.
Je profite de cette pose pour aller jeter un œil non loin à la cathédrale orthodoxe (qui figure sur les billets de 100 roubles). Alors que je la prends en photo, un passant m’interpelle :
« Pourquoi prends-tu des photos de ça ?
– Parce qu’elle est jolie.
– Ah bon ? Elle est normale.
– Pour vous sûrement, mais je viens de France, nos cathédrales ne ressemblent pas du tout à ça.
– Ah, tu es français ? Je suis Charlie (en Français). »
À mon retour au café, je découvre tout le monde prêt à partir. Mon arrivée tardive déclenche donc le départ de toute la troupe…
Nous allons prendre un mini-bus pour nous rendre dans le petit village de Chiţcani, célèbre pour son monastère.
Le monastère de Noul Neamţ a été fondé en 1861 par un groupe de moines venus du monastère de Neamţ, en Roumanie. Ils se sont installés sur l’emplacement d’un monastère pluri-centenaires, fondé avant l’empire ottoman, puis transformé en mosquée avant de redevenir chrétien.
L’institution compte aujourd’hui 21 moines qui vivent en totale autarcie alimentaire.
Le lieu a été fermé en 1962 par les Soviétiques, qui l’ont transformé en hôpital. Il a rouvert à la fin de l’URSS.
Le monastère est riche de moult trésors et possède même, une staurothèque, c’est-à-dire un reliquaire contenant ce qui est présenté comme un morceau de la Vraie Croix, sur laquelle a été crucifié Jésus.
Un moine nous ouvre ensuite les portes de la crypte, où il est possible de laisser une intention de prière près du corps du saint patron du monastère, dont j’ai oublié le nom.
Nous finissons la visite en montant en haut du clocher. Juste pour la vue.
En sortant de ces lieux, un (gros) doute me prend : « Il est où Alain ? » Personne ne l’a vu. Il doit être dans le monastère, pensent mes compagnons. « En fait, je ne me souviens pas le voir dans le bus. On a dû l’oublier dans le café », lance-je, devant des visages incrédules.
Ça fait donc deux ou trois heures que le bougre nous attend… ou bien qu’il est parti visiter la ville sans nous (NB : c’est ce qu’il a effectivement fait. Il est allé visiter le Musée national).
Alistair saute dans un taxi pour aller le récupérer. Pendant ce temps, Tim décide de nous faire une surprise. Nous marchons un kilomètre ou deux vers « une création du génie humain, dont personne ne sait pourquoi elle a été construite ici ».
Au détour d’un virage, nous voyons apparaître… Un buste géant de Lénine, devant une salle des fêtes grandiose, frappée d’une faucille et d’un marteau.
Pour rappel : nous sommes dans un village désert où les routes sont des pistes de terre et où les maisons n’ont pas d’eau courante. Allez, je pense qu’on peut même dire que nous sommes ici dans le trou du cul du monde.
« C’est le buste de Lénine le plus grand du monde », proclame Tim, qui rit jaune de cette absurdité. Là encore, impossible de le savoir. Tout ce qu’on sait, c’est que ce n’est pas la plus grande tête de Lénine du monde, qui se trouve à Oulan Oude.
Nous rentrons ensuite en taxi vers le parc Pogedi, le parc central de Tiraspol. Il possède un petit parc d’attraction soviétique : la grande roue est le même modèle que celle de Pripiat !
Tim nous conduit ensuite chez lui, dans une datcha construite dans les années 1970 et intouchée depuis. Une grande partie du mobilier a disparu, nous nous asseyons donc par tête pour boire des pre-mix et un vin rouge fait maison.
Cet apéro terminé, nous nous dirigeons vers le restaurant le plus réputé de la ville, le Seven Fridays (dont les pizzas sont excellentes), puis dans un bar désert.
Sur le chemin du retour, des soldats nous cassent les pieds pour voir nos passeports (que nous avons laissés à l’hôtel, par sécurité) et nous font la morale parce que nous avons une bouteille de vin avec nous (et que certains sont un peu pompettes). Là où c’est un peu gênant, c’est que nous sommes ici clandestinement : finalement, c’était tellement le bordel pour faire les papiers (vu que la loi a changé et que personne ne sait vraiment comment ça fonctionne) que Gareth a décidé de passer outre et de payer éventuellement une amende. Mais les soldats nous laissent finalement tranquille : à mon avis, ils cherchaient juste un peu d’occupation. Ce n’est pas très animé Tiraspol, la nuit.