Dimanche 6 octobre
Dur de se lever à 7h, mais nous avons un train à prendre à 8h23 en direction du sud. Plutôt que d’aller directement à Hiroshima, j’ai décidé de faire le trajet en deux fois. Après 1h40 de trajet, nous arrivons donc dans la petite ville d’Okayama, préfecture de la région du même nom.
Enfin, « petite », peut-être pas : il y a quand même plus de 700.000 habitants. Mais au sud d’Osaka, j’ai l’impression de commencer à voir la campagne.
Okayama est célèbre pour plusieurs choses. Les pêches, mais ce n’est pas la saison ; le raisin, dont ils font du muscat ; son château et son jardin.
Okayama est aussi l’endroit où est née la légende de Momotaro, un héros du folklore japonais. Né dans une pêche (momo, en japonais), il s’est lié d’amitié avec un singe, un chien et un faisan (visibles sur la statue photographiée ci-dessus) avant d’aller occire un démon et lui piquer son trésor.
Surnommé « le château des corbeaux », U-Jō a été construit en 1573 par Naoie Ukia. Sa particularité est d’être recouvert de tuiles noires, alors que les châteaux japonais sont généralement blancs. Il a été détruit pendant la Seconde guerre mondiale et reconstruit en 1966 en béton armé. « A l’identique », précisent les panneaux d’information. L’intérieur étant un musée, nous décidons de ne pas le visiter et traversons la rivière Asahi pour nous rendre au jardin Koraku-en.
Le Koraku-en est considéré comme un des trois plus beaux jardins du Japon, avec le Kairaku-en de Mito (dans la préfecture d’Ibaraki, au sud de celle de Fukushima) et le Kenroku-en de Kanazawa (dans la préfecture d’Ibara, à l’Ouest du Japon).
Ce jardin a été souhaité par un seigneur féodal (daimyo), commencé en 1686 et terminé en 1700. Il n’a quasiment pas été modifié depuis, si ce n’est quelques ajouts de daimyo. Dévasté par des inondations en 1934 et par les bombardements en 1945, il a été reproduit à l’identique, grâce à de nombreux diagrammes et peintures de l’ère Edo.
Kurashiki vaut vraiment le coup d’œil pour son quartier historique. Le long d’un canal, des maisons homogènes blanches aux tuiles noires donnent réellement l’impression de remonter dans le temps. Alléluia ! Ils ont même limité les poteaux électriques horribles qui défigurent toutes les villes ! Ces bâtiments sont en fait d’anciens entrepôts de riz du 17e siècle, transformés en musées, magasins ou restaurants.
Nous visitons aussi un joli sanctuaire shintô, où nous avons la change de voir deux miko, un homme et une femme. A défaut d’avoir vu une geisha à Kyoto, c’est toujours ça !
Il y a quelques siècles, le quartier central de Kurashiki était au bord de la mer, maintenant distante d’une quinzaine de kilomètres. Cela explique la présence de ces nombreux entrepôts et la richesse de la ville.
L’auberge où nous restons ce soir est située en plein cœur de ce quartier, dans une vielle bâtisse en bois. C’est une auberge dans le premier sens du terme : en journée, les clients peuvent s’y arrêter manger ou boire un verre. Le soir, les tables basses et coussins sont rangés, les futons dépliés et des portes de papier refermées. Même les oreillers sont traditionnels : ils sont remplis de riz !
Nous allons dîner avec trois touristes japonais, dont l’un travaille dans une auberge près du Mont Aso. C’est l’occasion de tester quelques délicieux mets locaux : le poulpe cru (« si tu manges ça, c’est que t’es un vrai Japonais », me disent-ils), un petit poisson cru à manger sans rien, puis des champignons, fruits de mer et poissons grillés sur un barbecue.
C’est toujours intéressant de discuter avec des Japonais, parce que je me demande s’ils sont humbles ou s’ils ne sont réellement pas au courant de leur influence culturelle. Ainsi, lorsqu’ils me demandent si j’ai déjà goûté de l’alcool japonais, ils sont étonnés d’apprendre que j’adore l’umeshu, que je bois du whisky japonais, et même des bières. « Tu as déjà mangé du ramen ? Il y a des restaurants de sushis à Paris ? » (oui, plein, y’a même des restaurants d’okonomiyaki, de takoyaki, d’udon…).
A un moment, l’un d’eux m’a demandé si l’image du Japon que j’avais avant de venir était celle d’un pays avec des ninjas et des samouraïs.
…
J’ai répondu en disant que mon premier contact culturel avec le Japon (sans compter le club Dorothée) avait été un livre de Yukio Mishima (Le tumulte des flots). Ca a fait son petit effet. Puis je me les suis mis dans la poche en leur disant tout le bien que je pensais de Haruki Murakami. C’est un peu de la triche.
Minirop leur dit que mon truc préféré au Japon est le zettai ryouiki. C’est pas complètement faux, mais c’est pas ce que je mettrais en avant. Ça les a fait marrer en tout cas.
Après ce bon repas et ces quelques verres, alors que tout le monde rentre à l’auberge, je retourne faire un tour dans ces ruelles d’un autre temps. J’y serais bien resté un peu plus longtemps.