Flotter dans la mer Morte, c’est se retrouver comme en apesanteur – le sel en plus. Quant à Amman, c’est une capitale sans grand intérêt.
Samedi 4 février
Dernier jour en Jordanie, et nous avons bien l’intention de cocher les cases qui restent à notre programme. Pour Wadi Mujib, c’est définitivement raté, mais il y a encore des choses à voir et à faire.
Premier arrêt de la journée : la forteresse de Machaerus, aussi appelée Machéronte (instant catéchisme : c’est ici que Saint Jean-Baptiste aurait été décapité). À une trentaine de kilomètres de Madaba, cette ruine est perchée dans un écrin exceptionnel ; au sommet d’une montagne parfaitement cylindrique, à l’image d’un cône volcanique.
Il ne reste plus grand chose de la forteresse en elle-même, bâtie en 90 avant J.-C. et agrandie par Hérode en 30 avant J.-C. Quelques colonnes, des fragments de mur, et des grottes remontant jusqu’à l’âge de Bronze ont été trouvées, seuls vestiges après sa destruction par les Romains en l’an 72. Par contre, le panorama sur la mer Morte et les montagnes environnantes est à tomber. Bien plus impressionnant que celui du mont Nébo, je trouve.
Si cela ne suffisait pas, la descente vers la mer Morte nous offre de nouveaux paysages vertigineux à travers des pierres volcaniques noires plongeant vers l’océan. Une originalité qui démontre une nouvelle fois la grande diversité des paysages jordaniens.
Le ciel est dégagé, la température frôle les 20°. Il est donc enfin temps de piquer une tête dans la mer Morte. Après avoir toqué à deux guichets de plages privées mais ne voulant pas payer le prix fort – il n’existe pas de plage gratuite dans la région et celles aménagées demandent une vingtaine ou une trentaine d’euros de droit d’entrée – nous finissons par nous arrêter sur le bord de la route, à un endroit qui nous semble propice à la baignade. Voilà 75 euros finement économisés !
La sensation dans la mer Morte est incroyable : nous avons vraiment l’impression d’être en apesanteur (du moins, j’imagine que ça ressemble à ça d’être en apesanteur). L’eau est à 19°, ce qui ne gâche rien ! Concrètement, au lieu de flotter dans l’eau, on flotte sur l’eau, comme s’il s’agissait d’un matelas pneumatique. Allongé sur le dos, il est impossible de se remettre debout en baissant ses jambes : elles remontent à la surface. Il faut se remettre sur le ventre et faire une petite gymnastique (en faisant comme si on voulait s’asseoir) pour se redresser.
Par contre, interdiction de mettre la tête, ou des plaies, sous l’eau : le taux de salinité se fait très vite ressentir. D’ailleurs, on ne reste pas bien longtemps dans l’eau ; ce qui justifie encore moins le prix exorbitant demandé par les plages.
A la sortie, la couche de sel qui recouvre notre corps nous rappelle qu’une douche est indispensable. Un petit vieux a bien saisi le filon et nous apporte un tuyau d’arrosage pour nous laver, moyennant un dinar.
Découverte d’Amman la blanche
L’expérience suivante, par contre, je m’en serais bien passé : conduire jusqu’au centre-ville d’Amman. Un calvaire.
Nous trouvons à nous garer en plein downtown, près de l’ancien forum, qui était l’une des plus grandes places du limes (les frontières de l’empire) romain. De la place, il ne reste plus grand chose : quelques colonnes ça et là. Par contre, elle ouvre sur un joli odéon de 500 places, très bien conservé, et sur le fameux théâtre antique de 6000 places, l’un des symboles de la ville. Il aurait été construit à la même période que l’odéon, entre 138 et 161 apr. J.-C., par l’empereur Antonin le Pieux. Construit à flanc de colline, le théâtre antique est encore utilisé, principalement en été. Un musée des traditions populaires est niché à l’intérieur, mais nous n’avons pas le temps de nous y attarder.
Plus loin, nous marchons devant le nymphée, les restes d’une fontaine qui devait être grandiose, avant d’arriver à la mosquée Al Husseini, construite en 1920 sur l’emplacement d’une ancienne mosquée, elle-même construite sur l’emplacement présumé de l’ancienne cathédrale de Philadelphie. Car Amman, aujourd’hui très laide ville de 2,5 millions d’habitants, est l’une des plus vieilles métropole du monde ! Elle est habitée depuis le XIIIe siècle avant J.C. et est mentionnée dans la Bible sous le nom de Rhabbat Ammon.
Surnommée la « Rome du Moyen-Orient », la ville s’étend sur 19 collines, qui donnent leur nom aux quartiers. La plus célèbre d’entre elles, qui surplombe le forum, est coiffée de la citadelle, un ensemble de ruines romaines et byzantines, complétées ensuite par des monuments datant des débuts de l’islam.
On y arrive une demi-heure après l’heure de fermeture, mais une fois encore, on nous laisse y entrer – la grille est fermée derrière nous. Décidément, les Jordaniens chouchoutent leurs touristes.
La citadelle abrite le temple d’Hercule qui aurait été construit sous le règne de l’empereur romain Marc-Aurèle. En cette fin de journée, la lumière rasante sur ses piliers et sur la ville est superbe.
Notre visite d’Amman étant très courte, on profite de surplomber la ville pour jeter un œil aux monuments qu’on ne verra pas de près, comme la très belle mosquée bicolore Abou Darwish.
En redescendant de la colline, on s’arrête non loin, dans le Square de Paris. Ce petit parc est décoré de mobilier urbain (lampadaires, fontaine, bancs, colonne Morris…) offert par la ville de Paris. On s’y croirait presque, à part que c’est trop propre pour être crédible. Faudrait dire aux Jordaniens que Paris est la capitale la plus sale du monde.
Enfin, nous terminons nos dix jours de voyage à la meilleure table d’Amman, Fakh El Derin. Ce restaurant est situé dans un cadre exceptionnel : l’ancienne ambassade d’Espagne. Le personnel est aux petits soins avec nous et la nourriture succulente. Et pour me remercier d’avoir organisé le voyage et d’avoir conduit (1400 kilomètres tout de même) sans rechigner et sans exploser de rage face à l’incivisme des Jordaniens, mes deux compagnons décident de m’offrir le repas. Qu’ils en soient chaudement remerciés ! On repart quand ?