L’un des sites les plus beaux de Russie se trouve en Carélie. Dans un paysage forestier tachetés de lacs se nichent les plus incroyables exemple de l’architecture en bois russe.
Après huit heures de train, le paysage qui défile à la fenêtre fait oublier les fastes des palaces de Saint-Petersbourg : denses forêts et modestes habitations de bois se succèdent à la fenêtre alors que le jour se lève. Il s’est à peine couché – nous approchons du cercle polaire et de ses « nuits blanches » d’été.
Nous voici à Petrozavodsk, capitale de la Carélie. Cette république autonome de la fédération de Russie, qui historiquement représentait un territoire s’étirant jusqu’en Finlande et balloté, conquis, pris et repris par les Russes et les Finlandais, telle une Alsace-Lorraine slave, est l’un des exemples de la diversité ethnique russe. Ici vit un peuple à la culture et à la langue propre (de type finno-ougrienne), les Caréliens.
De Petrozavodsk, nous filons directement vers l’île de Kizhi (aussi écrite Kiji). Un bateau fait la navette en une heure trente environ depuis la ville.
L’île a été l’un des trois premiers sites russes à être classé sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1991. Sur un confetti de 7 kilomètres sur 500 mètres, au milieu de l’un des 60.000 lacs de Carélie, des villages de bois abandonnés témoignent de ce qu’était la vie ici il y a deux ou trois siècles.
On commence l’excursion par une visite guidée de la perle de l’île, son enclos paroissial – le pogost.
Alors que dans le reste de la Russie triomphait le baroque, ce territoire oublié s’en tenait à une austérité monarchique. Ni couleurs chatoyantes ni stuc fantaisistes : les seules folies que se sont autorisés les bâtisseurs relèvent de la maîtrise de la charpenterie. Et puisqu’ici, aucune autorité ne venait dicter les règles de la construction de lieux saints, les habitants ont fait parler leur talent.
En témoigne l’église de la Transfiguration. Sous ses 22 coupoles, perchées à 37 mètres de hauteur, pas un seul clou ! Construite en 1714, elle reste un mystère : tout juste une légende locale indique que nous la devons à un certain « Maître Nestor », qui ayant achevé son chef d’œuvre aurait jeté ses outils dans le lac.
Actuellement en travaux, l’église de la Transfiguration est fermée au public.
A ses côtés se dresse la (à peine) plus modeste église de l’Intercession, aux Neuf coupoles. Elle est divisée en quatre parties : un porche, un hall d’entrée, une salle communale où se réglaient les affaires du village et la chapelle en elle-même. Une iconographie foisonnante est présentée au public (dont une partie provient de l’autre édifice).
Le trio paroissial est complété par un clocher datant de 1862, construit en respectant le style des deux églises.
Au-delà de cet enclos, le sud de l’île est un musée en plein air où ont été regroupées des maisons de bois récupérées dans des villages abandonnés des forêts alentours. La plupart de ces maisons de fermiers ont le même intérieur : une partie habitation modeste, avec une cuisine/salle de vie (les paysans dormaient sur les bancs) et un salon, et une partie utilitaire avec des ateliers et des étables.
La plus vieille église en bois de Russie (XIVe siècle), dédiée à la résurrection de Saint-Lazare, est également ici.
Le reste de l’île est un délice de calme et de nature. Quelques hameaux abandonnés et d’autres où vivotent quelques téméraires ne suffisent pas à couvrir le bruit du vent dans les feuilles.
Ça et là, une chapelle, un moulin – monté sur un système permettant de le faire tourner pour qu’il soit toujours face au vent – appellent à la contemplation, jusqu’à ce que vienne l’heure de rembarquer pour Petrozavodsk.
Une ville soviétique provinciale
Construite en 1703, en même temps que Saint-Pétersbourg, Petrozavodsk est la principale ville de Carélie.
Elle n’est pas vraiment riante : peut-être est-ce dû à sa fonction originelle (son nom signifie « usine de Peter » ; elle fut construite pour abriter des usines métallurgiques et a abrité jusqu’à récemment la plus grande usine d’armement du pays), à la météo exécrable, ou à son statut de ville provinciale dans un pays en crise économique.
Si flâner sur les rives du lac Onega reste agréable, le reste des parcs de la ville est envahi d’herbes folles, les trottoirs sont défoncés et pas mal de monuments passablement défraîchis.
Le plus grand bâtiment de la ville est la cathédrale, construite en 1819 pour célébrer la victoire russe sur la Grande Armée de Napoléon.
La ville compte aussi un théâtre construit en 1955, et quelques musées dont le plus important regroupe une belle collection d’icônes religieuses.
Autre curiosité : une statue de Marx et Engels en pleine discussion. Il est assez rare de les voir représenté ainsi ensemble.
Moins rare, Lénine est aussi évidemment présent, comme partout en Russie. Il s’élève sur la bien nommée place Lénine, entre les rues Engels et Karl Marx.
Pour l’anecdote, Petrozavodsk est jumelée avec La Rochelle. On trouve le blason de la ville sur le monument dédiée aux villes sœurs, ainsi qu’une sculpture offerte par les Français, située face au lac.