Jour 3 : A la découverte de la culture Masaï

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 La diversité ethnique au Kenya est unique. Les Masaï sont loin d’être les plus nombreux, mais ils sont les plus célèbres. Et ils ont vite compris l’intérêt des touristes pour leurs traditions.

Mardi 12 janvier

A 7h30, départ pour notre dernier « game drive » (le fait de se promener pour regarder les animaux) dans la réserve. A chaque sortie, de nouveaux spectacles s’offrent à nous.

Cette fois, nous nous retrouvons rapidement nez à nez avec un énorme éléphant, qui nous oblige à reculer et se dirige vers une autre voiture qui, elle aussi, va vite se carapater devant les cinq tonnes de la bête. Ibra nous explique que cette prudence n’est pas superflue : il s’est déjà fait chasser par un éléphant sur une distance de deux kilomètres et a vu le van d’un de ses confrères se faire retourner comme une crêpe.

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Nous apercevons pour la première fois des babouins, dans les arbres. Il paraît qu’ils sont assez nombreux, mais ils ont l’air assez farouches (dans le camp, on nous a recommandé de fermer notre tente quand nous sortons pour éviter leurs visites). J’aperçois aussi un chimpanzé.

Autre vision impressionnante : un énorme troupeau de buffles.

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Minute choupi : une famille d’éléphants avec un minuscule éléphanteau. Enfin, minuscule en comparaison avec les adultes : à la naissance, après 22 mois de gestation (c’est toujours moins long qu’une adoption chez nous), l’éléphant pèse déjà 100 kilos.

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En la route vers la sortie, nous dénichons une famille de lions camouflés dans un buisson, à moins d’un mètre de la piste – suffisamment près pour que Juma me commande de ne pas laisser traîner ma tête à l’extérieur du van, un coup de patte étant vite arrivé.

On a l’impression que les lions sont extrêmement nombreux, mais c’est aussi que nous avons eu beaucoup de chance et que le lieu est particulièrement réputé pour les voir. Au total, ils ne sont que 2000 au Kenya et 30.000 en Afrique. Un nombre qui ne cesse de diminuer au fil des ans.

Et encore, ce n’est rien à côté des rhinocéros, qui sont moins d’une trentaine dans le parc. Pas étonnant, donc, que nous n’en avons pas vu.

Les éléphants sont aussi en danger : contrairement à ce qu’annonce le gouvernement kényan, le braconnage existe toujours. La preuve, en 2009, la réserve du Masaï Mara a annoncé l’arrestation de 1400 braconniers en dix ans. Il faut dire qu’une défense d’éléphant se négocie à plus de 2000 dollars le kilo… et que la Chine, importateur quasi-exclusif (90% du marché) ne fait rien pour arranger les choses. Enfin, ils font des discours quoi. Pour dire que c’est mal de braconner.

Les derniers animaux à nous faire l’honneur de leur présence pour cette visite sont un groupe d’une dizaine de girafes, qui nous regardent d’un œil étonné en mastiquant des feuilles.

Après le déjeuner, nous avons encore deux heures pour faire la sieste. Je crois que c’est prévu pour les touristes américains qui sont fatigués après deux heures d’effort, car nous n’avons pas vraiment l’intention de dormir. Ceci dit, faut aussi penser à Ibra, notre chauffeur, pour qui ça doit être exténuant de conduire pendant des heures sur des pistes parfois complètement défoncées.

Interlude

Notre camp reçoit la visite d’un groupe de babouins dont l’un trouve drôle de se percher au dessus de l’entrée de notre tente pour nous déféquer dessus.

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Avec les Masaï

Évacuons tout de suite la question qui fâche : oui, pour « visiter » un village Masaï, il faut payer vingt euros ; et oui, la visite est souvent expédiée. J’avais été prévenu par des collègues, c’est aussi précisé dans les guides, mais nous avons tout de même choisi de le faire.

Au-delà de l’impression d’être pris pour des vaches à lait, on se rassure en se disant qu’ils ont bien besoin de cet argent (et faut pas non plus jouer les vierges effarouchées : par rapport à leur niveau de vie, nous sommes archi-privilégiés et clairement blindés de thunes, c’est normal qu’ils en profitent. Une semaine de safari, c’est en gros le PIB annuel par habitant en parité de pouvoir d’achat).

Mais revenons à nos Masaï.

Il s’agit d’une des multiples ethnies qui peuplent le Kenya. Ils sont peu nombreux, environ 400.000 (à comparer aux 15 millions de Kikuyu, les plus nombreux, ou aux cinq ou six millions de Luo, ethnie du père de Barack Obama), et vivent sur une bande de 1200 x 300 kilomètres le long du Rift.

Il s’agit d’un peuple pacifiste, qui n’a jamais cherché à coloniser qui que ce soit. Leur réputation de guerriers vient du fait qu’à l’arrivée des Européens, au XIXe siècle, ils étaient en pleine bisbille avec une autre tribu. Et comme ce sont d’excellents chasseurs (capables de tuer un lion à l’arme blanche), ils font des guerriers redoutables.

Trois hommes viennent nous chercher pour nous conduire à leur village, situé à une dizaine de minutes de marche. Sur la route, ils nous montrent quelques plantes utiles, comme le henné, une plante qui leur sert de papier-toilette ou une autre utilisée comme répulsif anti-moustiques.

Sur place, ils nous font enfiler une sorte de sarong rouge ou orange, leurs couleurs traditionnelles.

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On nous gratifie ensuite d’une danse de bienvenue bâclée, à laquelle je dois participer en agitant un bâton (j’espère que je ne fais pas la danse de la pluie sans le savoir).

Le village compte environ 130 habitants, tous membre de la même famille, avec un seul grand père. Quand un homme veut se marier, il va chercher une femme dans un des 200 villages de la région et celle-ci intègre la famille (et vice-versa).

En général, la durée de vie d’un village est de neuf ans. Au-delà, les maisons s’effondrent à cause des termites. Celui-ci a seulement 18 mois.

Surpris par une averse, nous allons nous réfugier dans une maison. Bas de plafond, elle fait une quinzaine de mètres carrés et une famille de six personnes y vit. Il y a une pièce à vivre, deux chambres et une pièce pour les animaux (veaux, poules, etc.).

Les maisons sont construites avec un mélange de boue et de bouse de vaches. Ce sont les femmes qui sont en charge de la construction, tout comme elles sont en charge de la cuisine, d’aller chercher le bois, l’eau, les courses au marché. Les hommes sont, eux, en charge des troupeaux, de l’éducation des enfants et de regarder l’herbe pousser en parlant chiffons.

A l’intérieur, deux personnes allument un feu presque aussi rapidement que Freddy de Koh-Lanta, en frottant deux bouts de bois.

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Pendant ce temps, nos hôtes répondent à toutes nos questions, et nous aux leurs. L’un nous demande si nos maisons sont pareilles en France. Nous expliquons que non et, puisque j’ai mon téléphone sur moi, je leur montre mes photos d’un « village traditionnel » breton : Locronan. Ainsi que quelques photos du château de Pau.

Évidemment, ils nous présentent quelques bijoux fabriqués sur place (on va les croire sur parole), dont un collier à dent de lion que je négocie âprement.

La chasse au lion est un moment très important de la vie d’un Masaï. Les garçons doivent en effet quitter le village vers 15 ans pour apprendre à se débrouiller, à organiser une communauté (avec d’autres hommes de la même classe d’âge) et à chasser pendant cinq ou six ans. Traditionnellement, cela se terminait par une chasse au lion et le premier à lui planter sa lance obtenait un statut spécial (dont notamment le droit de prendre une femme sans verser de dot à ses parents). Aujourd’hui, les Masaï n’ont plus le droit de chasser le lion. Mais, si j’ai bien compris, les anciens des villages choisissent parfois des jeunes hommes particulièrement méritant et les envoient dans une « forêt sacrée » en Tanzanie pour perpétuer cette tradition.

La pluie ne cessant pas, nous quittons finalement le village sans rien n’avoir vu d’autre que ça. On nous a bien proposé de pousser jusqu’au marché, mais il fallait aligner dix euros de plus. Nous avons refusé : faut pas exagérer !

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Moi (et ma dent de lion), Juma (au fond) et les deux villageois qui nous ont fait la visite.

Après le dîner, dernière soirée à Masaï Mara : je vais me poser autour du feu de camp avec des villageois. C’est l’occasion d’en savoir plus sur leurs traditions et leurs récits de chasse, mais aussi de parler des actualités et de la situation mondiale.

Un couple de Kényans s’inquiète du sort de l’Europe, et me demande : « vous vous rendez compte qu’en accueillant deux millions de migrants, l’Europe ne sera plus jamais comme avant ? Comment vous allez gérer ça ? Vous avez pensé aux conséquences ? » Bon, je leur ai simplement dit que non, nos gouvernants n’ont pas pensé aux conséquences, que de toute façon ils en ont rien à foutre car ce n’est pas eux qui les subiront. J’ai ensuite préféré orienter la conversation vers l’instant présent, plutôt que de gâcher cette dernière soirée ici.

En plus, c’est un moment particulier, car un groupe d’éléphants a décidé de venir s’abreuver à quelques dizaines de mètres du camp ; nous discutons donc au son de leurs barrissements. Mais interdiction d’essayer d’aller jeter un œil : en 2007, un touriste anglais est mort pour s’être approché trop près d’eux.

A l’extinction des feux (il n’y a de l’électricité que de 18h30 à 22h), je lève le nez pour profiter de la splendide voûte céleste. Et quel plus grand dépaysement que de ne pas reconnaître le ciel ?

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