Très étendu, le site de Pétra mérite bien deux jours complets de visite. Et encore, parce qu’on est jeunes et en pleine forme. Sinon, un troisième aurait sans doute été nécessaire.
Retrouvez le récit de notre première journée de visite en cliquant ici
Lundi 30 janvier
Si je vous dis « Pétra », vous allez sans doute penser à cette photo du Trésor qui était en couverture de votre livre d’histoire au collège. Ou à Indiana Jones qui entre dans le Trésor à la recherche du Graal. Ou à Tintin qui découvre le Trésor dans Coke en stock. Bref, vous allez penser au Trésor. Comme tout le monde. Mais nous l’avons vu dans le précédent article, le site de Pétra est très étendu et regorge de merveilles. Après nos 20 kilomètres de marche d’hier, nous revoilà donc prêts pour une nouvelle journée de visite.
Et cette fois, on ne manquera pas la lumière du matin sur le Khazneh. Même s’il faut pour cela quitter les princesses arabes de nos songes et nous lever à 6h du matin (avantage : nous avons tout l’excellent buffet du petit déjeuner pour nous – c’est le premier repas depuis notre arrivée où nous ne sommes pas obligés de manger de l’houmous).
Nous traversons le Siq à 7h30, passons devons un Kazhneh toujours dans la pénombre – mais aussi dans le calme absolu – et filons vers un sentier caché derrière le Tombeau de l’urne. 500 marches à grimper, une pente raide serpentant dans la caillasse, seul endroit peut être de Pétra où nous ne voyons rien de très intéressant. Tout cela pour quoi ?
Une vue plongeante sur le Trésor. Une vue plongeante sur le lever de Soleil qui, minute après minute, fait disparaître le voile d’ombre qui le nimbait, pour finalement le faire étinceler au grand jour.
Voilà pourquoi je voyage tant. Pour continuer à être émerveillé devant de tels spectacles.
Deux Bédouins ayant la bosse des affaires ont planté une tente dans les parages et proposent du thé aux courageux ayant fait la montée. Un verre de chaï à la main, le plaisir est complet.
Après notre descente, par le même chemin où nous sommes venus, nous partons un peu au hasard vers le sud-est du site. Il n’y a là pas âme qui vive, mais nous apercevons des tombeaux au loin. Mais juste avant, nous nous arrêtons devant le tombeau du gouverneur romain Sextius Florentinus, qui fut le légat de la province romaine d’Arabie. Le tombeau date de l’an 130 et a été construit par son fils. Si l’on sait tout cela, c’est grâce à une plaque en latin posée au-dessus de l’entrée. Entrée d’où semble sortir des flammes : mais non, il s’agit seulement de la roche !
Petite surprise juste après : nous découvrons un groupe d’habitations troglodytes, une sorte de mini quartier qui devait être très sympa à habiter, à l’époque ! Il s’agit de la résidence de Dorotheos, qui était sans doute un riche citoyen de Pétra. Son nom a été découvert incisé en grec à deux endroits de la résidence.
En continuant notre marche, nous arrivons aux ruines de Moghar Annassara/Mughur en Nasara, une nécropole dont les nombreuses façades sont, pour certaines, gravées de symboles chrétiens. Elles semblent assez méconnues et peu populaires : les guides n’en parlent pas et j’ai eu assez de mal à trouver des informations à leur sujet. Même sur place, il n’y a aucune explication. L’endroit est pourtant très sympa, à l’écart des zones les plus touristiques.
En continuant à marcher pendant une demi-journée dans cette direction, il est possible d’aller au sommet du Djebel Aaroun, où un petit mausolée blanc commémore la légende de la mort d’Aaron, frère de Moïse.
De notre côté, nous préférons retourner vers le « centre-ville ». Notre premier arrêt est à l’église byzantine, située en plein centre de la voie aux colonnades. Cachée sous une grande structure bâchée blanche, elle fait un peu verrue et n’est pas engageante, mais on comprend en y pénétrant : cette petite église découverte en 1990 est pavée de merveilleuses mosaïques magnifiquement préservées. Construite par les Nabatéens au milieu du cinquième siècle avant J.C, l’église reconstruite par les byzantins au début du sixième siècle. En 1993 y fut découvert un ensemble de plus de 150 parchemins de papyrus carbonisés datant du quatrième au sixième siècle. Entre autres informations sur l’agriculture ou le mode de vie des habitants de l’époque, ces parchemins ont appris aux archéologues que la ville n’a pas été entièrement détruite par le tremblement de terre de l’an 551, comme ils le pensaient, mais qu’elle a continué à fonctionner jusqu’au septième siècle. Les parchemins décrivent Pétra comme une ville à l’architecture chaotique, où le moindre espace était construit, les maisons souvent agrandies en ajoutant des étages sur le toit. Les habitations étaient en général organisées autour d’un patio, entouré d’appartements, de pièces de vie et d’étables. Les portiques, tour de guet, vestibules et balcons d’intérieur étaient fréquents.
Derrière l’église byzantine s’élevait un autre lieu de culte, « la chapelle bleue », nommée d’après les trois colonnes en marbre bleu d’Egypte qui sont toujours debout, droites sur leurs guiboles, ressuscitées.
Nous entamons ensuite une grimpette de 788 marches (on n’a pas compté, mais on fera confiance au Routard) vers l’autre joyau de Pétra, le monastère. Quelques minutes plus loin, dans une gorge s’éloignant sur la gauche, nous nous arrêtons dans un tombeau du premier siècle, dont l’entrée est gardée par deux statues de lions. Le chemin du monastère, qui était une ancienne voie de procession, nous gratifie de superbes points de vue sur la vallée.
Pour les moins courageux (quoi que…), il est possible de faire la montée à dos d’âne ou de cheval.
A pied, il faut entre 45 minutes et une heure pour arriver au sommet. On débouche sur une esplanade d’où le monastère n’est pas encore visible : il faut encore faire quelques pas pour le voir apparaitre sur le côté.
L’édifice est imposant : 45 mètres de haut et 50 mètres de large, une nouvelle fois taillé directement dans le grès jaune de la montagne. Son style rappelle le Khazneh, mais il est moins détaillé, plus brut – certains archéologues avancent qu’il n’était pas complètement terminé. L’impression face à lui ne vaut pas la magie ressentie devant le Trésor, mais son isolement et sa taille en font un des monuments les plus impressionnants qui soient. L’expression « on se sent tout petit » prend tout son sens.
Le Deir était un tombeau, ou un édifice lié à un rite funéraire (probablement celui du roi nabatéen Obodas Ier divinisé qui accéda au trône en -96). Son nom de « Monastère » vient de son utilisation par des moines, à l’époque chrétienne.
Son sommet était auparavant accessible par un escalier, mais il est désormais interdit au public, pour des raisons de sécurité et de préservation du monument.
Sans doute fatigués par tant de splendeur, ou par les 788 marches qu’ils viennent de monter, mes deux compères décident après notre pique-nique de faire une sieste devant le monument. Y’a pire comme vue.
Nous restons ensuite aux alentours, d’où l’on peut voir des panoramas exceptionnels, sur Pétra d’un côté, et jusqu’au désert de l’autre. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus fous de Petra : le site naturel est immense et superbe. Même sans les vestiges archéologiques, il serait un paradis pour les randonneurs. On finit par redescendre de ce djebel après avoir passé quasiment 3 heures sur place, avec une nouvelle fois très peu de touristes.
En bas, nous revoilà près du Palais de la fille du pharaon, dont je vous parlais dans le billet précédent. Juste en face se trouve le Portail d’Hadrien, sur lequel débouche la rue aux colonnades.
Sur la droite se trouve une structure monumentale : le Grand temple. Construit vraisemblablement au premier siècle avant Jésus-Christ, il a été utilisé pendant 600 ans. Comme son nom l’indique, c’était probablement un temple dédié au dieu le plus important des Nabatéens, Dushara. Mais un petit amphithéâtre a été découvert à l’intérieur, ce qui laisse supposer que c’était peut-être un bâtiment utilisé par le conseil municipal. Construit sur deux niveaux, jusqu’à 25 mètres au-dessus de la rue, le complexe faisait plus de 7500 mètres carrés et mesurait en lui-même 19 mètres de haut. Il a été découvert en 1992.
La rue en elle-même était la voie centrale de l’ancienne Pétra. Des magasins étaient alignés de chaque côté, mais il n’en reste plus rien aujourd’hui. On peut aussi voir les restes d’une fontaine monumentale et d’un temple.
Sous une lumière rasante qui les met encore plus en valeur, nous grimpons vers les tombeaux royaux, une impressionnante enfilade des tombes les plus imposantes de la ville.
Ces quatre tombes, creusées côte à côte, dominent la ville et forment un ensemble architectural unique, ce qui en fait sans doute une des vues les plus belles au monde – oui, j’ose l’écrire.
De gauche à droite, nous avons :
– la Tombe palais, dont l’étage supérieur est très endommagé. Erigée sur trois étages (on voit encore des morceaux de stuc au sommet !), avec une esplanade, elle était selon les textes antiques similaire au Palais de Néron, à Rome.
– la Tombe corinthienne, très abîmée, est, elle, plus classique. Elle présente un profil assez similaire à celui du Trésor.
– la Tombe de la soie, de taille modeste, tire son nom de la beauté de sa pierre.
– la Tombe de l’Urne, la plus imposante – de loin – et l’un des monuments les plus visités de Pétra. Datée de 70 avant Jésus-Christ, elle est attribuée selon certains archéologues à Malchus II ou Aretas IV. Haute de 26 mètres, la tombe est précédée d’une cour principale bordée de colonnes. Cette tombe a été reconvertie en église durant l’époque byzantine, au cinquième siècle. C’est à cette époque que l’escalier monumental devant elle a été rajouté.
Cette fois, c’est terminé : il commence à faire nuit, et après 40 kilomètres de marche en deux jours, on peut dire que nous avons vu le principal à Pétra. Pas tout, mais presque. Et nous sommes tous les trois certains d’une chose : nous ne sommes pas près d’oublier ce lieu unique, magique, qui mérite incontestablement son statut de (nouvelle) « merveille du monde ».
Informations pratiques
Y aller : 3h de route depuis Amman (250 km) ; 1h50 depuis Aqaba (120 km)
Horaires : 7h00 à 16h en hiver ; 6h à 18h30 en été ; 7h à 16h pendant le ramadan
Tarifs : 50 JD pour un jour, 55 JD pour 2 jours, 60 JD pour trois jours. Inclus dans le Jordan Pass (qui devient rentable même en ne visitant que Pétra). 90 JD pour les visiteurs passant seulement une journée en Jordanie (depuis Israël, par exemple)