La vallée désertique de Wadi Rum, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco en tant que « bien mixte naturel et culturel », ravira les amateurs de beaux paysages comme les passionnés d’histoire. Entre canyons et pétroglyphes, il y a de quoi s’occuper la journée, avant de profiter d’un superbe ciel étoilé la nuit venue.
Mardi 31 février
La météo joue encore des siennes ce matin : du panorama splendide dont nous a gratifié le Marriot la veille, il ne reste rien qu’une purée de pois. Heureusement, nous avons pu profiter de Pétra dans de très bonnes conditions : nous avons déjà raté le Wadi Mujib, quelle déception cela aurait été de ne rien voir à Pétra !
Nous partons à 8h30 et poursuivons notre périple vers le sud, jusqu’au désert de Wadi Rum. Nous avons rendez-vous à l’entrée du village de Rum (où il n’y a pas de pirates), avec Atallah, le Bédouin à qui j’ai demandé de nous organiser les deux prochains jours. Il fait partie de la Bedouin’s Friends Association, qui fait de l’écotourisme – je vous en parlerai plus bas. Ce n’est pas lui qui nous guidera, mais Ali, un jeune homme super sympa, qui aime bien rire, chanter et qui cuisine très bien.
L’Unesco nous explique que le Wadi Rum couvre 740 km² et qu’il s’agit « d’un paysage désertique très spectaculaire, avec des canyons, des arches naturelles, des falaises, des rampes et des grottes. La présence de 25.000 pétroglyphes et de 20.000 inscriptions gravées et de vestiges archéologiques témoigne de 12 000 ans d’occupation humaine et d’interaction avec l’environnement naturel. »
Maintenant que les présentations sont faites, montant dans notre 4×4. Car oui, n’ayant que deux jours sur place, nous avons opté pour la formule « marche + véhicule », pour voir les recoins les plus intéressants du désert. Il est possible aussi de faire de longs treks d’une semaine ou deux, voire de rejoindre Pétra (ou vice-versa). Peut-être lors d’un autre voyage !
On commence d’abord par aller voir la « source de Lawrence », à l’entrée de la zone protégée. Elle tire son nom du simple fait que l’équipe de tournage du film Lawrence d’Arabie, en 1962, avait posé sa logistique ici. Rien n’indique que Lawrence soit venu s’y ressourcer. La source en elle-même n’a aucun intérêt, par contre l’endroit nous offre une première vue en hauteur superbe sur le début du désert, et un avant-goût de ce qui nous attend.
On voit aussi nos premiers pétroglyphes (si vous ne le saviez pas, des pétroglyphes sont des dessins gravés sur des pierres, « petra » (comme la ville) signifiant « pierre » en grec) sur un rocher à deux pas de la source.
Notre arrêt suivant nous conduit à une zone de dunes, très photogénique.
Puis nous continuons vers la « maison de Lawrence ». Une fois encore, pas grand chose à voir avec Lawrence d’Arabie : c’est un reste de mur d’une maison de berger. Les Bédouins ont eu tendance à nommer pas mal de choses en hommage à Lawrence (il y a aussi une montagne appelée « Les sept piliers de la sagesse). Ceci dit, une fois encore, c’est la vue qui vaut le coût !
Un peu plus loin, on retrouve une paroi couverte de pétroglyphes représentant des figures anthropomorphes et zoomorphes (des chameaux et des hommes, grosso-modo). Il semble que c’était un point d’arrêt des caravanes qui traversaient la zone. Les gravures auraient été des sortes d’indications qu’elles étaient sur la bonne voie.
Le courant passe plutôt bien avec Ali, qui nous propose de continuer notre route installés sur le toi du 4×4. Ca nous permet de profiter du temps très doux, mais surtout des paysages exceptionnels qui défilent. Il nous conduit dans une zone superbe, sans un homme à l’horizon, où nous nous séparons pour profiter d’un silence parfait le temps qu’il nous prépare le déjeuner (une sorte de ratatouille cuite au feu de bois). C’est qu’on finirait par s’habituer aux vues démentes pour pique-niquer !
Non loin de là se trouve le rocher champignon, qui comme son nom l’indique semble tout droit sorti du royaume éponyme.
On continue vers un petit canyon, dont je n’ai pas retenu le nom, puis un autre où nous nous perdons, avant de déboucher face à l’arche Burdah. Elle semble toute petite vue d’ici mais, perchée à 300 mètres d’altitude, elle est parait-il très impressionnante et offre une vue exceptionnelle. Il faut néanmoins une bonne heure pour y monter, et nous n’avons pas le temps aujourd’hui (ayant un peu le vertige, je ne suis pas certain que je serais arrivé jusque là-haut, de toute façon).
La journée touche (déjà) à sa fin. Nous nous installons sur un rocher pour admirer le coucher du soleil, pendant qu’Ali ramasse du bois qui nous servira à préparer le dîner et à nous tenir chaud ce soir.
Nous avons en effet décidé de passer la nuit dans une tente bédouine. Après avoir préparé nos couchages, nous allons nous poser autour du feu, on chauffe du thé, un bout de viande, alors que la nuit d’un noir d’encre nous entoure.Ce n’est pas si évident que ça de dormir en tente : il y a malheureusement beaucoup de camps « en dur » dans le Wadi Rum, avec douches, sanitaires, etc. Je n’ai rien contre les sanitaires, mais beaucoup de ces camps sont illégaux et, surtout, leur nombre dénature complètement le désert.
D’où la naissance de l’association Wadi Rum Bedouin Friends, qui tente de sensibiliser les Bédouins à la préservation de leur patrimoine et à l’écotourisme. D’ailleurs, Anne nous rejoint autour du feu. C’est la créatrice de l’association, une Française tombée amoureuse du Wadi Rum il y a déjà bien longtemps. Elle s’y est installée définitivement il y a 16 ans (« Et pas pour retrouver un homme », précise-t-elle). Elle désespère de voir le désert être bétonné et que les Jordaniens fassent « les mêmes erreurs que nous dans les années 1970 ». Du coup, elle milite pour qu’au minimum, les campements illégaux soient détruits… Ce qui n’est pas une mince affaire. Le classement du site à l’Unesco ? « Que peuvent-ils faire contre ça ? Rien. »
Elle regrette que les français, qui représentaient deux tiers des touristes du Wadi Rum, désertent la Jordanie. « Peut-être qu’ils ne veulent pas aller en vacances chez des Musulmans, vu que ça ne parle que d’Islam à la télé française et que ça les gonfle ? », avance-t-elle comme explication. Nous répondons que ça a sûrement plus à voir avec la situation en Syrie.
Puis arrive le moment tant attendu où nous sortons regarder le ciel. Le ballet céleste qui s’offre à nous est tellement impressionnant qu’on a même du mal à repérer certaines constellations que l’on connait bien, tant elles sont noyées dans un tapis de milliers d’étoiles.