Prenez une cuillère de Londres, une louche de Shanghai, une pincée du reste du monde, et vous obtenez Hong-Kong, mégalopole mondiale, symbole capitaliste dans un pays communiste, une ville de tous les contrastes passionnante à découvrir.
L’histoire prend parfois des détours étonnants. Qui aurait pu imaginer, il y a à peine 200 ans, que l’île de Hong-Kong – petit port perdu de 7500 habitants avec quelques bateaux transitant vers Canton – deviendrait en moins de deux siècles la troisième place financière mondiale ? En 1840, lorsque le capitaine britannique Eliott réclama à la Chine cette île, en dédommagement après la première guerre de l’opium entre la Chine et le Royaume-Uni, ses compatriotes ne comprirent pas d’où lui était venue cette idée ridicule. Il fut tellement tourné en dérision qu’il n’a toujours pas aujourd’hui une rue à son nom ! « Que voulez-vous qu’on fasse de ce roc stérile ? », estimait-on à Londres. Journalistes et politiques fustigèrent, en outre, une cession prévue à perpétuité : non seulement Eliott avait récupéré un caillou, mais en plus on ne pourrait pas s’en débarrasser. 40 ans plus tard, les grincheux obtinrent que le bail obtenu sur les Nouveaux territoires, au nord de la péninsule, ne soit que de 99 ans, et non pas à éternel. Du coup, en 1997, la zone est devenue une Région administrative spéciale, rattachée à la Chine. Les Anglais ont quitté les lieux et la seule trace de leur présence consiste en quelques bâtiments de style édouardien, un tramway à impérial et de nombreux noms de rues.
Île ? Péninsule ? Nouveaux territoires ? Avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit récap’ pour vous retrouver. Le territoire de Hong-Kong (1110 km2, dix fois Paris) comprend l’île de Hong-Kong (la première occupée par les Anglais, où se trouvent les quartiers de Central, Wan Chai, etc.) ; au nord de celle-ci, la péninsule de Kowloon (quartiers Tsim Sha Tsui, Kowloon, Mong-Kok…) ; encore plus au nord, le long de la frontière avec la Chine, les « Nouveaux territoires » (récupérés en dernier, en 1898) ; et tout autour, un archipel de 230 îles dont les plus importantes sont Lantau et Lamma.
Voici une carte grossière pour vous repérer (en gros, il y a Hong-Kong Island, Kowloon et le reste sont les Nouveaux territoires).
NB : la plupart des guides et des gens mal informés estiment qu’il faut consacrer trois jours à Hong-Kong. C’est faisable, tout comme il est possible de « faire » New-York en trois jours. Mais ça serait dommage. Nous avons passé une journée complète sur Kowloon (plus une demi-journée pour aller au monastère des 10.000 bouddhas) et une journée sur Central (plus une demi-journée pour aller à Repulse Bay), sans pouvoir voir tout ce que nous voulions. À cela, il faut ajouter une journée pour Big Buddha/Tai O et possiblement une journée de marche vers Sai Kung (nous n’avons pas eu le temps d’aller sur Lamma), ainsi qu’un ou deux jours à Macao. Il y a donc de quoi faire et une semaine me semble un minimum pour bien profiter de la ville. Trois jours, ça serait l’équivalent de visiter seulement Manhattan, sans aller dans les musées.
█ Une mise en bouche : tour de la baie en jonque
Je suis arrivé à Hong-Kong, accompagné de mon ami Matthieu (avec qui j’étais en Jordanie) en fin d’après-midi. Après avoir atterri à 18h30 et pris le train express pour Central, nous avons retrouvé Amélie, une amie expatriée là-bas depuis quatre ans, qui nous a hébergé pendant tout le séjour et nous a fait découvrir « son » Hong-Kong : les restaurants, bars, quartiers à visiter. Pour ce premier soir, elle s’était fixée pour objectif de nous entendre dire « wahou » et avait donc réservé un billet sur Aqualuna, l’une des jonques pour touristes qui font le tour de la baie. Une amie originaire de Hong-Kong m’a dit plus tard : « mais… quel est l’intérêt ? » Il est tout simple : s’asseoir sur un bateau, avec un peu de musique et un verre à la main, et en prendre plein les yeux. Au 12ème siècle, un prophète chinois du nom de Bai-Yu avait vu dans le futur de Hong-Kong « des milliers de lumières scintillantes dans la nuit et 10.000 navires naviguant dans le port ». Nous y voila. Wahou.
█ Première journée : la péninsule de Kowloon, de l’histoire et des marchés
Notre première journée s’est déroulée sur la péninsule de Kowloon, avec d’abord une visite guidée – un bon moyen d’avoir un résumé de l’histoire et l’ambiance de la ville avant de partir à sa découverte.
Nous avons commencé au pied de la Tour de l’Horloge, vestige de l’ancienne gare de la ligne Kowloon-Canton, bâtie en 1915 et démolie en 1978. Au bord de l’eau, dans le quartier très touristique de Tsim Sha Tsui (TST pour les locaux), elle est l’un des symboles de la ville. La promenade sur la berge est prisée des jeunes mariés, qui se plaisent à faire des photos face à la forêt de buildings de Central. Non loin se trouvent le centre culturel et le musée de l’espace, dont l’architecture très années 1980 a déjà beaucoup vieilli, ainsi que l’hôtel Peninsula (1928) où sont descendues les plus grandes stars. Il fut aussi le QG des japonais pendant leur sanglante occupation de la ville pendant la Seconde guerre mondiale.
On rejoint ensuite Nathan Road (beaucoup de rues portent les noms des gouverneurs britanniques successifs de Hong-Hong ; le seul qui n’y a pas eu droit est celui qui a remis les clefs de la ville aux Japonais après une lutte acharnée), l’artère principale de Kowloon. Ce sont les Champs-Élysées de la ville : sur quatre kilomètres, une enfilade de boutiques de luxe et de restaurants. Mais les enseignes de joailliers de luxe masquent mal l’état de décrépitude de beaucoup de bâtiments. Dans les rues adjacentes, les tailleurs sur mesure côtoient les stands de nourriture et les vendeurs de montres d’occasion (conseil perso : les meilleures boutiques pour les amateurs de garde-temps se trouvent aux environs de l’hôtel Mira sur Kimberley Road).
Sur Nathan Road, on trouve aussi un marché sans grand intérêt (à mon avis) mais apparemment connu et apprécié : Chungking mansions. Ce passage était anciennement mal famé, mais désormais les gens y vont pour la nourriture indienne et les fringues pas cher. Il y a une petite communauté indienne établie de longue date à Hong-Kong : les Britanniques ne faisant pas confiance aux Chinois, ils faisaient venir les policiers d’Inde pour éviter la corruption. Machiavélique.
Le plus grand parc de la ville est Kowloon Parc. Comment ces 13 hectares de verdure ont-ils survécu à l’urbanisation effrénée ? Simple : c’était un terrain militaire où était stationnée l’armée britannique jusqu’en 1967. Puis les bâtiments présents sur place, surpeuplés et insalubres, ont été détruits.
En termes de vieilles pierres, il y a peu de choses à se mettre sous la dent. Citons tout de même 1881 Heritage, un centre commercial luxueux installé dans un ancien bâtiment de 1884 (la date a été modifiée dans le nom du lieu car le chiffre 4 porte malheur). Ça fait bien plus faux que ça devrait…
On remonte vers le quartier de Mong-Kok, le plus densément peuplé du monde, avec pour objectif de visiter les différents marchés de Hong-Kong, mais avec un succès tout relatif.
On commence par Temple Street, le plus bouillonnant d’entre eux apparemment, quand la nuit tombe. On y arrive trop tôt, et il n’est pas encore ouvert… On se contente donc de visiter le petit temple dédié à Tin Hau, déesse de la mer. Puis nous nous rendons au Marché de Jade (comme son nom l’indique, on y trouve des bibelots en jade) puis au Marché des Femmes (Ladies market), où on ne trouve pas de femmes, mais des objets hétéroclites qui pourraient les intéresser (souvenirs, fringues, babioles…). Puis, plus haut dans le quartier, les Marchés aux fleurs, aux poissons rouges et aux oiseaux, qui eux commencent à fermer.
Ainsi s’achève notre première journée de visite. Après une bonne douche (car 15 kilomètres par 30° avec un taux d’humidité de 80%, ça fait suer), la nuit continuera avec une longue tournée des bars. Dans ce domaine, Hong-Kong a aussi beaucoup à offrir. Sans rentrer trop dans les détails (ce qui se passe à Hong-Kong reste à Hong-Kong), je recommande tout particulier : Ophelia, pour ses danseuses, son ambiance sexy chic et ses cocktails ; The Iron Fairies, pour ses cocktails, sa déco d’ancienne forge, sa playlist, et la jeune femme avec une robe rouge ; Dragonfly pour sa situation (dans une ancienne prison), sa déco Art nouveau sur le thème de la libellule, et ses cocktails ; Dr Fern’s Gin Parlour, pour sa carte comprenant 351 gins (et où nous sommes allés environ 12 minutes après que j’ai dit « je ne boirai plus jamais de gin de ma vie ») ; Geronino Shot bar, pour ses dizaines de shots et ses gin tonics où il y a plus de gin que de tonic (d’où ma réflexion avant d’aller au Dr Fern’s Gin Parlour) ; mais aussi Foxglove pour le jazz, le Ping Pong Bar 129 pour son ambiance (NB : ça n’a rien à voir avec les ping pong bar de Bangkok et leurs shows un peu bizarres, ici c’est un bar tout ce qu’il y a de plus normal), Joe Banana’s si vous recherchez de la compagnie (payante), et les dizaines et dizaines d’établissements de Lan Kwai Fong (LKF pour les expats), la « rue de la soif » à Hong-Kong.
█ Interlude : Visite du monastère des 10.000 Bouddhas
Étonnamment, ce monastère n’est pas dans le Routard et n’était pas connu de mes amies hong-kongaises. Situé entre Kowloon et les Nouveaux territoires, il mérite pourtant largement le détour. C’est Amélie qui nous a recommandé sa visite : à croire que les expats connaissent mieux la ville que les locaux !
Construit entre 1949 et 1957, ce monastère est perché sur le flanc d’une montagne. On y accède par un long escalier flanqué de plusieurs centaines de statues de bouddhas, toutes différentes. Au sommet, sur deux niveaux, se trouvent plusieurs temples – dont l’un est tapissé de 12.800 statuettes de bouddhas dans des postures différentes. Une pagode est aussi présente. L’endroit a malheureusement été endommagé lors d’un glissement de terrain en 1997, mais est en cours de reconstruction.
█ Deuxième journée de visite : Sheung Wan, Central et Wan Chai
Amélie vit dans le quartier de Sheung Wan, que nous avons donc beaucoup parcouru lors de nos pérégrinations tant diurnes que nocturnes. On y trouve beaucoup de petites boutiques vendant des produits traditionnels, notamment du poisson séché, ainsi qu’un marché aux puces sur Upper Lascar Street (pas mal d’affiches de propagande maoïstes et de publicités vintages). Le bâtiment édourdien du Western Market (1858) fait presque incongru parmi les buildings, dans ce qui fut pourtant le lieu où débarquèrent les Anglais (pas rancuniers, les Chinois n’ont pas rebaptisé Possession Street).
Principal lieu d’intérêt à Sheung Wan : le temple Man Mo, le plus vieux de la ville (1848). Man est le dieu des lettres, des Mandarins et des fonctionnaires, et Mo celui des arts martiaux. Il paraît que les policiers viennent en nombre prier ici !
Central et Admiralty sont les quartiers d’affaires de la ville et celui où s’élèvent les bâtiments les plus intéressants. Attention, même si le capitalisme règne en maître, les architectes doivent consulter les maîtres du Feng Shui avant d’entreprendre toute construction : certains immeubles sont mêmes « troués » (ou surélevés sur des piliers) pour laisser passer les dragons.
Parmi les immeubles les plus intéressants, celui de la Bank of China avec ses lumières imitant des bambous, celui de la HSBC, complètement modulaire, où la tour Lippo, surnommée la tour Koala. Entre la tour de la Bank of China et celle de la HSBC s’élève celle du groupe Cheung Kong Hutchison Holdings, dont le PDG, Li Ka Shing, est l’homme le plus riche d’Asie.
Il n’existe plus ici aucune maison traditionnelle chinoise : elle ont été dévorées depuis bien longtemps par l’appétit des promoteurs. Le seul monument subsistant entre les tours ultra-modernes est le Cénotaphe (1912), l’ancienne Cour suprême. Juste en face se trouvait une statue de la reine Victoria (c’est sous son règne que Hong-Kong devint britannique), qui a été déplacée dans le parc Victoria, en dehors de Central.
En continuant vers l’est, à pieds ou avec le tramway à impériale datant de 1888, on arrive dans le quartier de Wan Chai, zone touristique concurrente à TST et particulièrement animée en soirée – c’est un peu l’équivalent du Quartier rouge à Amsterdam (tandis que TST est plutôt axé shopping et restaurants).
Enfin, prenons le taxi (très nombreux et bon marché, seulement 24 HKD, soit 2,5€, pour les deux premiers kilomètres) vers Quarry Bay, tout à l’est. Rien à visiter ici, mais glissez entre les immeubles d’habitations, levez les yeux… et gare au vertige. Plusieurs scènes du (très mauvais) film Ghost in the Shell (lisez plutôt le manga original) furent tournées ici. Par contre, il commençait à faire nuit, donc mes photos sont un peu moches. Désolé !
█ Interlude : la plage de Repulse Bay
Après une soirée (trop) arrosée, nous avons décidé de passer un après-midi à la plage. Voilà quelque chose que je n’ai pas l’habitude de faire, encore moins dans des mégalopoles à l’autre bout du monde.
Dans le sud de l’île de Hong Kong, Deep Water Bay et Repulse Bay sont assez peu urbanisées et très agréables. Le nom de Repulse Bay ne fait pas très envie : il vient du HMS Repulse, un navire de guerre venu dans cette baie pour lutter contre les pirates. Le nom chinois du lieu est Tsin Shui Wan, la Baie peu profonde. Ce fut pendant longtemps un des endroits les plus chers de Hong-Kong : plusieurs milliardaires habitent à Deep Water Bay, dont le fondateur du site Alibaba et le propriétaire de la chaîne d’hôtels Shangri-La…
█ En soirée : vue sur la ville depuis Bowen Road ou Victoria Peak
« Une des plus belles vues au monde », selon John Le Carré, Hong-Kong bénéficie de sa situation montagneuse (à l’inverse de New-York, Tokyo ou Shanghai, qui sont plates) pour offrir un panorama exceptionnel de bâtiments partant à l’assaut des reliefs à perte de vue, s’élevant de la baie vers les cieux. Pour en profiter, un incontournable est de se rendre au Victoria’s Peak, qui offre une vue à 360° sur la baie. Malheureusement, lors de mon séjour, le temps n’a jamais été suffisamment clair pour en profiter complètement.
Pour monter à Victoria’s Peak, je vous conseille le Old Tram Peak, un tramway plus que centenaire qui part à l’assaut de la montagne en ligne droite. Accrochez-vous bien, ça penche !
En descendant un peu sous les nuages, il reste possible d’admirer la vue depuis Bowen Road, un chemin qui serpente le long de la montagne. On est moins haut, mais les points de vue sont intéressants, tout comme le fait d’avoir l’impression de marcher à hauteur des immeubles !
Pour continuer à découvrir ma visite de Hong-Kong, c’est par ici…