Pays le moins aimé au monde, objet de tous les fantasmes, la Corée du Nord est une contrée qui s’avère pourtant pleine de (bonnes) surprises.
Récit de voyage
Août 2014 : Dix jours couvrant les villes les plus importantes du pays
Jour 1 : De Dandong à Pyongyang : 10 heures en train à travers la Corée du nord
Jour 2 : Les monuments emblématiques et le métro de Pyongyang
Jour 3 à Pyongyang : Palais du Soleil Kumsusan, musée de la Guerre de Corée, Palais des écoliers
Jour 4 : Une journée Kaesong et dans la zone coréenne démilitarisée (qui est en fait super militarisée)
Jour 5 : Usines (réelles ou non ?) nord-coréennes, barrage et plage à Nampo
Jour 6 : Journée détente à Pyongyang, du stand de tir à l’unique pizzeria du pays
Jour 7 : Musée du trésor nord-coréen, ville de Pyongsong et bar à Pyongyang
Jour 8 : Studio de cinéma nord-coréen, hôpital et route vers Wonsan
Jours 9 et 10 : Wonsan et parc d’attraction à Pyongyang, puis départ vers Pékin
Y aller
Toutes les personnes au courant de mon voyage m’ont posé la même question : c’est possible de visiter la Corée du Nord ? La réponse est : « oui, c’est même très simple ». Plusieurs agences agrées par le gouvernement coréen proposent des circuits agrées par le gouvernement coréen. La seule différence avec d’autres pays est que vous serez en permanence accompagnés de deux guides/officiers gouvernementaux/laveurs de cerveaux (choisissez le terme que vous préférez selon votre niveau de paranoïa) qui vous empêcherons de vous promener où vous le souhaitez. Pas de panique, un guide salarié de l’agence que vous aurez choisie vous accompagnera aussi.
Des voyages individuels sont possibles, mais là encore, vous serez accompagnés en permanence de deux Coréens. Paradoxalement, un voyage en groupe offre donc plus de libertés, car il leur est impossible de surveiller 20 personnes de la même façon qu’une seule.
Parmi les agences qui proposent des circuits, j’ai choisi Young Pioneer Tours (YPT). Principalement parce qu’ils sont les moins chers et ont un esprit « aventurier » qui me plait. Leur promesse, « nous faisons des voyages organisés pour les gens qui n’aiment pas les voyages organisés », a été tenue. D’ailleurs, après le Tibet et la Corée du Nord, j’ai fait appel à leurs services pour l’Ukraine et la Moldavie et m’apprête à le faire (en 2016) pour l’Iran et Cuba.
Face à YPT (25% du marché environ), le leader historique du marché est Koryo Tours. Ils ont bonne réputation, mais sont plus chers que YPT (en moyenne, ils facturent 1800 euros pour une semaine, contre 1300 pour YPT). La société suédoise Korea Konsult a de son côté l’avantage d’être basée en Europe, ce qui peut en rassurer certains.
Il y a deux façons d’entrer en Corée du Nord : par l’avion, depuis Pékin, et par le train, depuis Dandong (au nord de la Chine). J’ai utilisé les deux. Le train à l’aller, pour découvrir le pays et mes camarades de voyage à petite vitesse, l’avion au retour pour ne pas refaire les mêmes 24 heures de trajet.
Papiers nécessaires : un simple passeport suffit. L’agence que vous choisirez se chargera de faire la demande de visa aux autorités coréennes, après vous avoir demandé quelques informations personnelles (nom, adresse, métier, employeur). Le pays est interdit aux journalistes et aux militaires. Et attention hein, si vous mentez, vous serez forcément démasqué et aurez de gros problèmes ! Enfin, ça c’est ce qu’ils disent… Je suis la preuve vivante qu’en fait, ce n’est pas si strict que ça. Mais dans les faits, évitez d’y aller avec une caméra cachée pour ensuite faire un reportage sur Fox News en expliquant que les Coréens mangent leurs enfants : si tout ce que vous risquez est l’expulsion du pays, vos guides et l’agence, eux, risquent bien plus gros.
Y aller – interrogations éthiques
Bizarrement, je n’ai pas eu beaucoup de remarques à ce sujet… Probablement parce que mes amis savent que je n’ai pas de sympathie pour le communisme et encore moins pour le stalinisme (ce qui n’a rien à voir, tout bon militant vous le dira). Mais c’est une question qui resurgit souvent sur le web et qu’on se pose forcément en allant là-bas : est-ce bien éthique de dépenser ses euros dans l’une des pires dictatures de la planète et donc de soutenir le régime ?
La réponse dépendra évidemment de chacun. De mon côté, je ne considère pas que qu’un voyage là-bas soit un soutien à la dictature. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, même si le prix d’un séjour là-bas est exorbitant (le PIB annuel par habitant était en 2010 de 1800 dollars, soit moins que le coût d’une semaine là-bas), le faible nombre de touristes – 3.800 en 2014 – n’en fait clairement pas une source de revenu importante. De plus, si une partie du coût va forcément dans les caisses de l’Etat, il faut aussi compter avec la marge des agences, la rémunération des guides (mieux payés que le Nord-Coréen moyen), des hôtels, etc. Et clairement, vu la fréquentation des hôtels, restaurants ou musées, je pense que même s’ils multipliaient par dix les tarifs, ils ne seraient pas rentables.
Sur un plan plus humain, je trouve aussi qu’ouvrir le pays au tourisme n’est que bénéfique. Pour les Coréens d’abord, qui en rencontrant des étrangers ont une petite fenêtre qui s’ouvre sur le monde. Non, personne n’a envie de les atomiser ; oui, la vie hors de Corée est plutôt chouette, malgré ce que la propagande peut raconter. Pour les touristes et leurs proches aussi : combien de fois ai-je dû expliquer que non, les Coréens ne sont pas des zombies lobotomisés, que ce sont des humains, qui rient, pleurent, veulent une belle vie pour leurs enfants, sont curieux, etc.
J’ai lu ça et là que les touristes étaient utilisés comme « outils de propagande » par le régime envers sa population et présentés comme « des Occidentaux qui viennent découvrir le paradis socialiste et rendre hommage au Cher Leader ». C’est peut-être vrai. Mais personne, dans mon groupe, n’a jamais été forcé d’acheter des fleurs ou de s’incliner devant les statues – même si, soyons honnête, 90% des gens le faisaient.
Certains me diront sûrement : « c’est bien beau les excuses pour te déculpabiliser, mais si le gouvernement autorise les touristes, c’est bien qu’il a quelque chose à y gagner, non ? ». Probablement : c’est une question d’image. Et la preuve que ça marche, c’est qu’il m’arrive fréquemment de reprendre des gens sur les imbécillités que l’on peut lire sur ce pays. Pis, certains membres de mon groupe ont parfaitement gobé la propagande à laquelle ils ont été soumis (« eh ben, je ne savais pas que c’était les Etats-Unis qui avaient attaqué en premier en 1950 »). Mais globalement, l’immense majorité des visiteurs de ce pays (et j’en ai rencontré pas mal depuis) sont loin d’être dupes.
Quand partir
Plus que la météo (oui, il fait très chaud en été et très froid en hiver, mais vous serez en Corée du Nord !), le meilleur moment pour visiter le pays sera celui où aura lieu le séjour sur lequel vous aurez flashé. Je vous conseille ceux liés à des fêtes nationales, à l’ambiance toujours particulière.
Budget
Le coût d’un séjour, tout compris, s’élève en moyenne à 130 euros par jour (avec YPT. Chez d’autres agences, ça peut être multiplié par trois). Ce qui, à mon sens, reste raisonnable pour un tel voyage. Sur place, par contre, les dépenses peuvent vite être conséquentes : les touristes sont clairement vus comme des vaches à lait dont il faut soutirer le maximum d’euros (la monnaie privilégiée là-bas – les touristes n’ont pas le droit d’utiliser l’argent local). Un tour à la fête foraine vous coûtera 5 euros par attraction, un petit poster de propagande, 3 euros, un t-shirt, 10 ou 15 euros… La bière, par contre, ne coûte pas cher : entre 50 centimes et 2 euros la pinte. Et elle est particulièrement bonne.
Mes coups de cœur
Il est difficile de définir un coup de cœur sur un tel voyage. Contrairement à d’autres séjours, où je peux facilement dire « j’ai adoré tel endroit » ou « je me suis particulièrement amusé ce jour-là », en Corée-du-Nord, c’est l’ensemble du voyage qui est une expérience inoubliable. Mais s’il faut choisir un jour, je dirais… mon anniversaire !